•   NIGHT RANGER

    Californication

    A l’aube de la quatrième décennie d’existence du groupe, les membres de Night Ranger savourent un regain de créativité.  Lors d’une conversation en visio depuis son home studio, Brad Gillis évoque le passé, le présent et le futur de la célèbre formation californienne. [Entretien avec Brad Gillis (guitare) par Philippe Saintes  - photos : Jack Baldes et  Ph. S.]

     Night Ranger 2021

    ATBPO (« And The Band Played On ») votre dernier opus a été écrit et enregistré en pleine pandémie. Comment était l'atmosphère au sein du groupe durant cette période difficile ?

    Les deux dernières années ont été complètement dingues. Avant le covid, on donnait 90 à 100 concerts par an. On jouait généralement le week-end car à présent on ne voyage plus dans un tourbus, ça c’est une époque révolue. Lorsque le Coronavirus s’est manifesté nous nous trouvions en République Dominicaine pour participer à un festival de rock sur la plage, le 80s In The Sand. Nous étions emballés mais nous avons malheureusement dû annuler la mort dans l’âme. Comme nous étions tous coincés à la maison pendant la quarantaine, j’ai proposé à Jack (Blades) et Kelly (Keagy) de faire un nouvel album. On alors échangé des idées sur les plateformes numériques. Sur les seize idées de départ onze ou douze ont été retenues. On ne s’est pas vu une seule fois durant la sa conception du disque. Tout a été construit à distance via Zoom, portable et par courrier électronique. C’est une situation inhabituelle mais au final nous sommes tous les cinq convaincus d’avoir créé un excellent album. Le process a pris quatre ou cinq mois car le groupe tenait à proposer un disque de qualité sans « remplissage ». Il a d’ailleurs reçu un accueil positif de la critique mondiale. Jusqu’ici, tout va bien !

    Plusieurs chansons sont taillées pour la scène. Cela ne devrait pas être difficile de les intégrer à la setlist.

    Nous avons déjà joué « Breakout ». C’est un hard rock accessible et direct qui fonctionne bien en public. Jack l’interprète brillamment sur scène. Le label a estimé que c’était le morceau qui sonnait le plus comme le Night Ranger des débuts. La vidéo a été vue de nombreuses fois sur You Tube. Nous avons aussi ajouté « Bring It All Home To Me » lors d’un show à Las Vegas, après l’avoir répété lors du soundcheck. Et puis, pendant la partie acoustique que nous intégrons à certains concerts, j’aimerai interpréter « California Hero », titre sur lequel j’utilise ma vieille Stratocaster ’57 Deluxe en raison du son ‘classique » qu’elle émet. Quoi qu’il en soit c’est toujours agréable de proposer de nouvelles chansons.

    Le décor des clips de « Breakout » et « Bring It All Home To Me » est digne du cinéma. Où les séances se sont-elles déroulées ?

    Non loin d’un parc naturel en Californie appelé Palm Springs. C’est un endroit très prisé par les touristes. Il y fait extrêmement chaud. A seulement une heure de route, on trouve un endroit appelé The Salton Sea . Un collectif d’artistes déjantés du monde entier y a créé un décor apocalyptique pour redonner vie à ce site désertique. Il est aujourd’hui plus visité que le Yosemite.  Brian Isley qui a réalisé plusieurs clips du groupe nous a filmés dans ce décor étrange au milieu des sculptures fantasmagorique. On a également effectué le shooting photo pour l’album sur place. Dans les années 80 les vidéos coûtaient des centaines de milliers de dollars et on passait des journées complètes sur les plateaux de tournage. Aujourd’hui on peut rapidement créer un clip musical simplement avec des Iphone. C’était le but recherché. On doit se montrer créatif de nos jours car l’argent ne coule plus à flot dans le monde de la musique.

    Un mot sur les deux derniers membres arrivés, Eric Levy (claviers) et Keri Kelli (guitare). Qu’ont-ils apporté concrètement sur le plan de la créativité ?

    Keri « déchire » sur cette album. Nous avons de la chance d’avoir vu passer au sein de Night Ranger des gens comme Joel Hoekstra, Reb Beach et à présent Keri Kelli. Ce sont tous des guitaristes brillants, expérimentés et reconnus. Keri a énormément contribué à la réalisation d’ATBPO tout comme Eric qui a apporté la touche finale sur plusieurs morceaux avec son jeu de claviers. L'ambiance qui règne au sein de la formation est excellente.

    Keri a été remplacé le temps d’un concert par Gilby Clarke (ex Guns’N Roses) l’été dernier. Pourquoi le choix de Gilby ?

    Gilby a fait le voyage à moto de Californie jusqu’à Sturgis, dans le Sud Dakota pour nous voir et Jack lui a demandé si il souhaitait jammer avec nous. Gilby avait déjà joué « Don’t Tell Me You Love Me », « Rock In America », « Sister Chritian » auparavant au sein d’un collectif. On a répété ensemble backstage et il a été formidable. C’est toujours un moment unique pour le public lorsqu’un invité monte sur scène. On a récemment donné un concert avec Styx et Tommy Shaw nous a rejoint pour interpréter « High Enough ». Jack et Tommy se sont partagés le chant comme sur le morceau original de Damn Yankees (1990). J’aime ces moments particuliers et spontanés.

    Le lieu de naissance a t’il une importance dans la vie d’un artiste ? La Californie dans le cas de Night Ranger.

    C’est certainement mon cas. J’ai rencontré Jack Blades en 1976 quand je suis allé passer une audition pour le groupe Rubicon. J’avais à peine 18 ans et je jouais dans un groupe de bar qui se produisait cinq soirs par semaine dans la région de la baie de San Fransisco. On jouait des titres de Lynyrd Skynyrd et de Bad Company mais aussi des morceaux plus funk car on était en pleine période disco. Cela m’a permis de diversifier mon jeu. Je jouais alors sur une Les Paul noire de ’68. Rubicon avait auditionné une trentaine de types avant moi et j’étais le dernier. Jack s’est alors mis à danser en sautant sur ses deux pieds en faisant des cercles. Je me suis aussitôt mis à l’imiter. On s’est croisé et on a tourné ensemble avec nos instruments. C’était vraiment le début de l’aventure. J’ai enregistré deux disques avec Rubicon. Le 18 mars 1978 est une date inoubliable pour le groupe puisque nous avons participé au California Jam 2, avec Aerosmith, Ted Nugent, Foreigner, Dave Mason et Santana. Ce festival s’est déroulé devant plus de 300.000 fans !

    Jack, Kelly Keagy et moi somme les rescapé de Rubicon. C’est sur les cendres de cette formation qu’est né Night Ranger fin 1979.

    Vous avez sortis des chansons qui ont marqué les esprits durant première décennie du groupe. Quel regard portes-tu sur les années ’80 ? 

    Cela a dû être énorme pour moi car je ne me souviens plus de rien (rires). Non, sérieusement c’était une époque folle. Nous avons enregistré nos trois premiers albums à Los Angeles au studio Image Recording avec le producteur Pat Glasser et l’ingénieur du son John Van Nest. Avec Jeff Watson, qui était mon complice durant cette période, j’écumais les night-clubs de la ville comme le Rainbow, le Whisky a Go Go, le Troubadour ou le Cathouse Rock Bar. Ces lieux incontournables étaient bondés de bombes blondes en string (il rit). C’était véritablement la décennie de la décadence mais il y avait de la fraîcheur et de l’énergie. Je garde d’ailleurs d’excellents souvenirs de l’ambiance en studio et de nos virées au Rainbow après les séances d’enregistrement.  On y restait jusqu’à la fermeture, ensuite, on se dirigeait vers les fêtes nocturnes organisées chaque soir sur la colline qui surplombe Hollywood. Toutes les rock- stars de la grande époque du rêve hollywoodien étaient présentes. On ne s'ennuyait pas une seconde. Je ne suis pas pour autant nostalgique puisque Night Ranger est à la veille de son 40è anniversaire. 

    Brad Gillis - Kiss Kruise

    As-tu rencontré Eddie Van Halen au cours de ta carrière ? 

    Oui, je l’ai rencontré au 5150. Je passais une soirée au Rainbow, dont j’étais un client régulier, lorsque je suis tombé sur son roadie, Zig Clark qui m’a demandé si je voulais visiter le studio d’Eddie. J’ai évidemment sauté sur l’occasion. Dany Chauncey, le guitariste de 38 special avec qui j’ai grandi, était également présent. Lorsque notre petit groupe est arrivé au domicile d’Eddie, la porte du studio était ouverte et il était entrain de jouer de la guitare. Eddie s’est montré très amical. J’ai pris une basse et on a improvisé une jam. C’était un grand bazar joyeux mais son épouse Valérie est venue frapper à la porte pour demander à Eddie d’arrêter tout de suite et de renvoyer ses potes. On a dû partir sur la pointe des pieds (rires). 

    C’est Eddie qui m’a donné l’envie d’utiliser le Floyd Rose. J’en ai trouvé un au Don Wear’s Music City, un magasin à San Fransisco.  C’était le troisième des 20-25 vibratos fabriqués par Floyd D. Rose dans son garage. J’ai voulu me différencier des notes torturées qu’employait Eddie. On peut vraiment entendre mon style sur les deux dernières notes de mon solo sur « Don’t Tell You Love Me ».   

    La suite pour Night Ranger ?

    Désormais, on se contente des opportunités qui se présentent. Cet été nous avons participé à plusieurs rendez-vous musicaux comme le Summer Fest, un grand festival à Milwaukee qui se déroule sur quatre jours avec une cinquantaine de groupes. On s’est également produit au Minnesota State Fair en compagnie de George Thorogood & The Destroyers. Nous avons la Kiss Kruise cet automne, une tournée au Japon l’année prochaine. On nous verra aussi au Sweden Rock Festival avec les Guns’N Roses l’été prochain. On profitera d’ailleurs de cet événement pour ajouter plusieurs dates en Europe... Entre les concerts, je construis un nouveau studio d’enregistrement à la maison, un vrai mur du son juste en dessous de mon salon (rires). Bref, je ne m’ennuie pas et c’est très amusant

    « Je ne suis pas nostalgique des années ’80 puisque Night Ranger est à la veille de son 40è anniversaire. »   

    En parallèle, tu as d’autres projets musicaux puisque tu as collaboré avec Billy Sheehan (basse, Mr.Big) et David Hugg (batterie, Giant) pour le label Frontiers. Peux-tu nous en dire plus?

    Nous avons travaillé avec un très bon chanteur brésilien Renan Zonta. Alessandro Del Vecchio est aux claviers et a produit l’album. Celui-ci est en boîte mais je n’ai aucune idée de la date de sortie.  Je prépare également un disque solo. Gary Moon (ex- Night Ranger) assure le chant et mon vieil ami Derek Sherinan (claviers, Black Country Communion) joue sur tous les morceaux.  Ces deux albums sortiront normalement au premier trimestre 2022.  

    Ton premier concert ?

    B.B. King, Weather Report et Copperhead lors du Winterland festival à San Fransisco (CA), en décembre 1972. J’avais 14 ans. 

    Ta première guitare ?

    J’ai reçu ma première guitare, de la marque Kay à l’âge de 8 ans. J’en ai 110 aujourd’hui à la maison et une quarantaine d’amplis.

    Les 5 chansons de Night Ranger que tu préfère jouer sur scène ? 

    Don’t tell You Love Me, Rock In America, Sister Christian, Eddie’s coming out tonight  et Touch A Madness.

     

    ATBPO - cover

    NIGHT RANGER

    ATBPO 

    (Frontiers Records)

    Night Ranger, toujours fidèle au poste, en est à treize albums studios. Un chiffre porte-bonheur ? En tout cas les arrangements sont fort bien réalisés, les compositions solides, les mélodies riches et les musiciens excellents. Jack Blades et Kelly Keagy forment à la fois un duo complémentaire au chant et une section rythmique solide. Brad Gillis et Keri Kelli travaillent leur manche en faisant percer le feeling sous le savoir-faire. Le disque débute par le très rock’n’roll « Coming For You » clin d’œil avoué au « Brown Sugar » des Stones. « Bring It All Home To Me » est précis et juteux avec un riff monstrueux de Gillis tandis que « Breakout » nous rappelle les heures de gloire du combo californien qui a tout de même vendu plus de 17 millions de disques. Sur le bluesy « Hard To Make It Easy », l’âme des Doobie Brothers transparaît. « Can’t Afford A Hero » est une ballade savoureuse alors que « A Lucky Man » doit autant au rock qu’à la country.  « Cold As December » déboule aussi vite que l’Eurostar sous la Manche et  « Monkey » vous pète à la gueule avec son ambiance hard et funky. Le plus reposant « The Hardest Road » puise ses influences dans le r&b mais c’est le mid-tempo « Tomorrow » qui clôture l’essai. Certes, Night Ranger a eu son temps et il prend de l’âge mais avec suffisamment d’allant pour rester un groupe ‘électrique’, gare aux courts-circuits ! [Ph. Saintes] 

    Retrouvez cet article dans Metal Obs' #97

     

     

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  •  THE END MACHINE

     Une machine à remonter le temps

    Deux ans après un premier album éponyme résolument varié et moderne, The End Machine revient aux fondamentaux avec un hard-rock simple et efficace. Nous nous sommes entretenus avec son maestro sur le processus de compositions de ce deuxième volume, le remplacement du batteur ‘Wild Mick’ Brown par son frère, ainsi que les thèmes véhiculés au sein des compositions du quatuor. Nous avons également pu questionner ‘Mr. Scary’ sur ses projets personnels. [Entretien avec George Lynch (guitare) par Philippe Saintes  - photos : D.R.]

    THE END MACHINE logo

    George, The End Machine a amorcé un virage en revenant aux sources. Le communiqué de presse présente d’ailleurs ce deuxième opus comme un Dokken 2.0.

    L’objectif était d’utiliser des choses faisant référence à ce que nous avons fait avec Dokken et Lynch Mob. C’était très compliqué au départ pour moi comme pour Jeff (Pilson, basse). Pour plusieurs raisons :  nous avons évolué au fil des années durant lesquelles nous avons franchi diverses étapes. Et puis, notre musique a mûri. Pour retrouver la philosophie des débuts, nous avons analysé d’anciens morceaux, les solos, le groove, les riffs, les arrangements,… J’ai ainsi accumulé des tas d’informations sur mon téléphone. Avec Jeff, nous avons toujours cette alchimie incroyable pour composer. Une fois le processus lancé, c’est un flot constant d’idées qui sort. Chaque chanson a une solide accroche. C’était notre priorité. L’album est très accessible, nous n’avons pas essayé de dérouter les gens. Le premier disque était plus imprévisible. Phase 2 est en quelque sorte un préquel. Comme pour toutes les sessions d’écriture auxquelles je participe, il y a toujours au préalable une base. J’écris dans ma voiture, à la maison,… J’ai enregistré des centaines de plans et de riffs sur mon portable et je ressors ceux-ci en fonction du projet sur lequel je travaille. J’ai ainsi sélectionné une douzaine de sons avant d’entamer la composition de ce deuxième album de The End Machine.  Jeff et moi avons pris beaucoup de plaisir à composer les morceaux.

    Les nouvelles chansons sont toutes marquées du sceau de la qualité. Ce n’est pas qu’un simple revival des années ’80.

    Nous n’avons pas voulu proposer un projet “nostalgique”, car on ne peut pas reproduire la même magie de l’époque. Les temps et les gens ont changé. Le son d’AC/DC est immuable et c’est très bien mais de mon côté, je préfère la liberté créative. J’adore apprendre et produire de nouvelles choses. J’écoute tous les styles de musiques  à la maison. Peu importe le groove, le riff ou tout simplement la chanson tant que cela reste dans la tête. J’aime le delta blues, la world music, la musique progressive, le jazz, le classic rock, le metal, le hard-rock. J’étudie actuellement le jeu d’un guitariste de country qui est absolument fabuleux. Notre époque est à la diversité. Que ce soit sur le plan politique ou musical, je suis quelqu’un aux idées progressistes et je pense que cela se ressent dans ma musique.

    Tu as participé à de nombreux albums en compagnie de Jeff durant toutes ces années. Te souviens-tu de votre première rencontre ?

    Oui, bien sûr. Je venais d’intégrer Dokken et on était à la recherche d’un bassiste pour le groupe. Jeff nous a été conseillé par Mick Varney, le célèbre producteur, qui a joué avec Jeff dans une formation de Seattle (Cinema) à la fin des années ’70. Don (Dokken), Mick et moi avons assisté à un concert du groupe de Jeff dans un club de Los Angeles. Sa prestation scénique fut très convaincante, il chantait magnifiquement bien et son jeu de basse était impressionnant. Nous lui avons rendu visite le lendemain à son appartement pour le convaincre de rejoindre Dokken. Il était très heureux d’entendre cette proposition car il attendait depuis des années d’intégrer un groupe de hard-rock. Le reste s’est fait naturellement. Il y a une grande complicité humaine et artistique entre nous. C’est un peu fusionnel, nous avons envie de la même chose et d’avancer ensemble. 

    The End Machine - band photo

    En cette période chaotique j’imagine que quelques messages se tiennent en embuscade à travers vos compositions.

    Les messages sont importants dans la musique. Je regrette l’époque où le rock était révolutionnaire et engagé. J’ai la passion mais pas le talent pour être un musicien baroudeur comme Bob Dylan Pete Seeger, Woody Guthrie ou Rage Against The Machine. Ces artistes comme font volontairement passer des messages politiques ou religieux dans leurs textes. Je n’ai pas la prétention de dire que j’ai le même talent pour écrire des chansons révolutionnaires mais j’ai en tout cas la  même passion. Certains thèmes sont récurrents comme l’urgence écologique, les injustices ou encore certains sujets politiques. « Blood & Money » le premier single parle de l’accroissement des inégalités qui exacerbe les divisions. 

    Le remplacement de Mick Brown par son frère Steve à la batterie était un choix naturel ?

    On ne pouvait pas imaginer un meilleur remplaçant. Steve est le clone de son frère. Mick a décidé de se retirer de l’industrie musicale. Il a pris sa retraite après plus de 40 ans de scène. Il n’était plus en mesure de le faire en raison de nombreux problèmes de santé. Steve est plus jeune. Il apporte une fraîcheur au projet tout en ayant la même énergie et le même sens de l’humour que son aîné. Il a le même style de jeu et aussi la même voix. Après ‘Wild Mick’ nous avons à présent ‘Mild Steve’ Brown dans l’équipe. (Rires).

    The End Machine est-il juste un projet studio ou envisagez-vous de sortir un enregistrement live ?

     Nous n’avons pas encore évoqué cette possibilité. Quand Dokken s’est reformé il y a quelques années pour un CD/DVD enregistré en public au Japon, le résultat n’était pas celui escompté. Pour que cela fonctionne, le groupe doit être parfaitement rôdé. Nous avons commis l’erreur de ne pas avoir effectué de répétitions préparatoires lors de cette reformations éphémère de cinq ou six dates. Cela s’est fait dans l’urgence. Je ne regrette pas cette opportunité mais en ce qui concerne The End Machine, je suis partant pour un enregistrement en direct à condition que le groupe puisse au préalable effectuer une longue tournée pour arriver au top, c’est la priorité.  Créer des connexions et des habitudes sur scène prend du temps et de nombreux efforts.  On verra si cela peut se faire !

    The End Machine band - promo2

     Sur le plan politique l’année 2020 a été chaotique aux États-Unis, tout est à nouveau calme aujourd’hui sur le front Ouest ? 

    La direction du pays a été très agressive malheureusement au cours des quatre dernières années. J’espère que nous en tirerons les leçons car selon moi, l’échec fut collectif. Il est temps de remettre à l’avant plan les problèmes environnementaux, l’éducation, les soins de santé.  La meilleure façon d’apprendre est de regarder les pays qui ont réussi sur le plan économique et social. Je pense au modèle scandinave mais aussi à certains pays du Benelux et d’Asie, là  où le nationalisme n’est pas exacerbé. On voit apparaître de plus en plus de groupes sectaires chez nous alors que nous ferions mieux de mettre en commun ce que nous avons de meilleur et de nous enrichir de nos mutuelles différences. 

    Avec Jeff tu as aussi sorti fin 2020 Heavy Hitters un album de reprises à la sauce metal des classiques de la pop - de Carole King à Oasis en passant par Prince ou Madonna. Comment s’est fait le choix des chansons. Pourquoi celles-là en particulier ?

    Nous avons revisité toutes les époques, trois chansons par décades. Le choix était compliqué. Brian Tichy (batteur) qui est un grand fan des années ’70 nous a aidés.  La chanson « I Feel The Earth » de Carole King est son idée. Il y a aussi eu des conseils qui ne sont pas forcément de moi ou de Jeff. J’aimerais dire que la sélection fut judicieuse mais en réalité je n’aime réécouter que sept morceaux. On a dû abandonner certains titres qui étaient intéressants. Par contre « End Of The World », un titre de REM, nous a été imposé par le label parce que ses responsables estimaient qu’elle était en lien avec la pandémie. J’adore l’atmosphère ainsi que le côté heavy et moderne de la plage d’ouverture « One Of Us » (Joan Osborne). Il y a un vent de liberté dans certaines de nos interprétations que je trouve agréable. On a pas cherché à les triturer. Nous avons laissé libre court à nos envies. Et puis certaines chansons ont marqué des générations. Nous y compris. Au départ, c’est Angelo Moore, le chanteur de Fishbone, une vieille connaissance, qui devait chanter sur tout l’album mais cela ne s’est pas fait. Mon sentiment est mitigé cars nous avons dû faire pas mal de compromis avec le label. Avec mon  nouveau projet de rock industriel The Banishment, j’ai  eu recours à une campagne de crowdfunding pour plus d’indépendance.

    G. Lynch promo 2019

    « Que ce soit sur le plan politique ou musical, je suis quelqu’un aux idées progressistes et je pense que cela se ressent dans ma musique. »

    Quels sont tes espoirs et projets pour l’après Covid ?

    Nous traversons une période d’incertitude et n’avons rien planifié pour l’instant. J’espère que nous nous retrouverons et pourrons continuer l’aventure The End Machine. Concernant les concerts, je vois une ouverture à l’horizon à moyen terme. J’espère pouvoir venir en Europe l’année prochaine avec mon groupe George Lynch & The New West ou avec Dokken dans le cadre d’une reformation du line-up originel. Nous sommes actuellement en discussion. Mes relations avec Don Dokken sont très bonnes aujourd’hui.

    Un album instrumental est également annoncé chez Rat Pack.

    L’histoire reste intéressante. Seamless a vu le jour grâce à un heureux concours de circonstance. Au départ, cela devait être un nouvel album de Lynch Mob mais l’an dernier, j’ai dissous le groupe pour diverses raisons. Je me suis ensuite mis à la recherche de nouveaux musiciens pour enregistrer ce disque. J’ai envoyé les compositions à trois chanteurs, Joe Retta, Oni Logan et Andrew Freeman, pour écrire les lignes vocales. J’avais déjà travaillé avec eux mais cette fois-ci cela n’a pas fonctionné. Ils ont tous les trois rejeté mes démos. Dès lors, j’ai cru que j’avais engendré de mauvaises chansons et j’ai tout mis au placard. Et puis, un jour, un responsable du label Rat Pack m’a proposé d’ «instrumentaliser » l’album. C’était une sorte de contre-pied.  J’ai trouvé l’idée intéressante. Il n’y avait rien d’intentionnel dans ce projet. Je suis retourné dans mon home studio pour travailler là-dessus et il en est ressorti de choses vraiment intéressantes. Le type du label a été agréablement surpris en écoutant le résultat final. Il m’a dit : les gens vont adorer. Ce n’est pas un disque de shredder avec un grand déballage technique. En revanche, si vous aimez Joe Satriani ou Joe Walsh, cet album est pour vous.  Il est très mélodique et montre les différentes facettes de ce que je peux faire. Sans les vocaux, vous pouvez davantage apprécier le son des différentes guitares. Les mixes sont aussi d’une couleur très spéciale. Je suis convaincu que c’est une très bonne formule.

    Peux-tu aussi confirmer la sortie d’un troisième album du duo Sweet-Lynch ? 

    Oui. Nous entamerons l’enregistrement à l’automne.

    Te rappelles-tu de ton premier "live" ?

    Absolument. Je devais avoir 14 ou 15 ans lorsque j’ai rejoint au pied levé une formation qui évoluait en trio. J’avais juste répété une seule fois avant le concert. Je me souviens m’être retrouvé sur cette scène dans un hall énorme. Nous avons joué deux ou trois morceaux, j’étais terriblement nerveux mais cela reste un bon souvenir.  Je me rappelle également mon premier concert avec Dokken dans une arène de 18.000 personnes,  (Note : en guest de Rainbow et Aldo Nova à Philadelphie). J’étais si nerveux que j’en ai fait des tonnes. J’étais entrain d’effectuer un solo à genoux mais subitement je n’ai pas pu me relever, une scène digne de Spinal Tap. C’était très embrassant. (Rires)

    Quel(s) métier(s) as-tu exercé avant de devenir un musicien professionnel ?

    Oh, j’ai effectué de nombreux petits boulots. Juste avant d’intégrer Dokken, j’étais transporteur et livraison des boissons alcoolisées à domicile.  J’ai d’ailleurs effectué le trajet entre le centre de Los Angeles où je vivais avec ma femme et mes deux enfants, et Hollywood à bord de mon camion pour signer mon premier contrat avec une maison de disques. Ensuite j’ai poursuivi ma tournée. J’ai gardé ce travail pendant un an encore car le contrat nous autorisait juste à enregistrer un album. Il n’était pas encore question de remplir le compte en banque et vivre de cela.  Je devais payer mon appartement et entretenir ma famille.  Auparavant, j’ai livré des meubles, j’ai travaillé à l’usine, dans le secteur de la construction, j’ai nettoyé des avions,... Je vivais vraiment à la petite semaine. J’ai également fait la plonge dans des restaurants au milieu de la Californie, dans une ville craignos.  Je n’avais alors qu’un vélo et une guitare et je logeais dans une chambre d’un motel avec d’autres gars. Je me rendais quotidiennement à mon travail à vélo en tenant dans une main ma guitare. Un jour, j’ai décidé de la laisser sous mon lit car cela devenait pénible de pédaler pendant 10 km de cette façon. Lorsque je suis rentré un carreau de la cambre avait été brisé et on avait volé ma guitare qui était la prunelle de mes yeux, mon âme-sœur ! J’étais tellement attaché à cette six-cordes que je n’en ai pas racheté une autre avant un moment.

    Si tu devais résumer ta carrière en cinq chansons. Quels titres choisirais-tu ?

    C’est une question difficile. Allez, je me lance : « Paris Is Burning, «Tooth and Nail » , « Mr. Scary », « Under Lock and Key »  et « Wicked Sensation ».

    George Lynch

    Quel est le premier musicien qui a éveillé chez toi cette passion pour la guitare ? 

    J’ai grandi en écoutant de la musique classique grâce à mon père. Ensuite, je me suis intéressé à tout ce qui passait à la radio, la country, le jazz, le R’n’B ou la Soul et puis, les Beatles sont arrivés. Là, je me suis dit « c’est ça que je veux faire ! », c’est cette musique-là et George Harrison est devenu mon premier guitar-hero. En fait tous mes coups de cœur sont issus de la British Invasion. J'ai acheté le premier album de Jeff Beck, le premier Jimi Hendrix Experience, le premier Led Zeppelin avec Jimmy Page, le premier disque des Who. J’ai fait tourner inlassablement ces albums sur le tourne-disque de la maison. Ce sont vraiment des références qui m’ont accompagné mais ça part de George Harrison, peut-être aussi à cause du prénom (Rires).

    En parlant de guitariste, tu a rendu un hommage au regretté Eddie Van Halen lors du festival de la guitare organisé le 1er mai à Dallas. Ton groupe The Boyz partageait l’affiche avec sa formation lorsque Gene Simmons (Kiss) a repéré pour la première fois Van Halen au Starwood de Los Angeles en 1976. On vous a ensuite vu ensemble toujours au Starwood lors du fameux concert d’Harvey Mandel (Canned Heat) qui lui a donné l'idée du "tapping". Vous sembliez très proche.

    Nous étions deux jeunes guitaristes du Sunset Strip à Holywood. On se croisait régulièrement, on jouait dans les mêmes clubs et on fréquentait les mêmes magasins de musique. Un lien d’amitié s’est créé. Le point d’orgue fut la tournée des Monsters Of Rock aux États-Unis en 1988. Dokken ouvrait pour les Scorpions et Van Halen. Eddie et moi avons passé beaucoup de temps ensemble, à comparer nos équipements, à raconter des tas d'histoire, à jouer de la guitare tard dans la nuit et à s’encourager mutuellement. C’était cool.  

    The End Machine - phase 2 cover

    THE END MACHINE

     Phase 2

    Frontiers Records 

    Le premier album de The End Machine n’était pas une surprise. C’était une stupéfaction ! Nous avions été séduits par le kaléidoscope d’émotions et de styles de cette association de musiciens hors pair. Cette fois le quatuor propose un répertoire plus conventionnel et homogène. Les guitares de Lynch claquent, la basse de Pilson étoffe, Steve Brown, le remplaçant, s’en tire plutôt bien à la batterie et Robert Mason, égal à lui-même, offre une performance vocale d’une justesse absolue. Ce Phase 2 apporte son lot de très bons morceaux peuplés de groove intense, de refrains efficaces et de riffs infectieux.  « Blood & Money » et « Dark Divide »  sonnent comme des classiques, le feeling est présent sur « Prison Of Paradise » et « Scars » se révèle carrément somptueux. Les chansons s’enchaînent et s’enchaînent. Grâce à l’approche passe-partout des années ’80 et un son résolument moderne, The End Machine tient ses auditeurs accrochés par les ongles. Voilà un album exemplaire qui ne fera pas tache dans votre collection. [Ph. Saintes]

    Retrouvez cet article dans Metal Obs' #97

     

     


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  •   STRYPER

     Dieu, diable et rock'n'roll

    Nous avons profité de la sortie du nouvel album de Stryper, Even The Devil Believes pour évoquer avec son charismatique leader des thèmes d’actualités : la pandémie, les élections américaines, les problèmes de santé d’Oz Fox et bien sûr les projets des quatre messies du metal. [Entretien avec Michael Sweet (Chant, guitare) par Philippe Saintes]

    Logo

    Cette période n’est pas propice pour la sortie d’albums. Comment occupes-tu tes journées alors que le calendrier de Stryper est chamboulé par la crise sanitaire ?

    J’ai mis à profit mon confinement pour être créatif mais inévitablement dans un coin de ma tête je suis anxieux comme tout le monde. La perspective de ne plus monter sur scène à court terme est plutôt effrayante. Cependant, je ne suis pas du genre à avoir des réactions de stress ou à déprimer. La situation actuelle n’a pu me décourager, ni m’enlever l’agrément du travail. En fait, je m’inquiète plus pour les personnes qui ne parviennent pas à s’adapter aux évènements que nous vivons. Le mieux est de rester actif et de profiter de chaque moment. On arrivera à passer au-dessus de ce fléau.

    Comment s’est passée la composition de Even The Devil Believes malgré le confinement ?  

    Nous avons débuté l’enregistrement en janvier. La pandémie n’avait pas encore fait son apparition aux Etats-Unis.  On savait que la Chine était touchée mais rien ne laissait présager un virus à l’échelle mondiale à cette période. Toute la première partie, on l’a fait pré-Covid, donc de façon tout à fait normale. On avait décidé de faire l’enregistrement en deux temps. J’ai écrit les chansons avant la Noël. Nous avons répété pendant deux semaines avant d’entrer en studio pour mettre en boîte les pistes de base : batterie, basse, claviers, les parties de guitares rythmiques et les chœurs. Le groupe est ensuite parti au Mexique pour effectuer une mini-tournée en février. Ce n’est que lorsque nous sommes rentrés au pays que le virus a commencé à se propager. J’ai alors enregistré les parties vocales dans mon studio pendant trois ou quatre semaines.  La seule différence finalement avec les autres albums est le mixage. J’étais à la maison tandis que l’ingénieur son travaillait un studio. Nous avons communiqué par vidéo conférence sans compromis. Cela n’a pas eu d’impact sur la réalisation de l’album.

    Le monde de la guitare est en deuil. Eddie Van Halen s’est éteint le mois dernier, emporté par un cancer de la gorge. Tu as été très affecté par l’annonce officielle de son décès.

    Parce qu’Eddie a lutté silencieusement contre la maladie sans que le grand public ne le sache. Il n’aimait pas que les gens se tracassent pour lui. Cela en dit beaucoup sur sa personnalité. C’était quelqu’un de très réservé et de sage. Je le respecte énormément pour ça. Sa disparition a été brutale. On ne peut que rendre hommage à cet artiste fabuleux et le remercier pour ce qu’il a apporté à la musique. J’adore Chuck Berry, Les Paul  et Jimi Hendrix qui ont tous révolutionné la guitare et le rock mais personne selon moi n’a atteint le niveau technique d’Eddie Van Halen.  

    Oz Fox 2020

    © Robert Dye 

    Oz Fox a récemment été hospitalisé. Les nouvelles sont-elles bonnes aujourd’hui ?

    Avec les réseaux sociaux, les rumeurs font croire le pire. Je peux t’affirmer qu’Oz n’est pas du tout à l’article de la mort comme j’ai pu le lire. Il est traité pour des crises d’épilepsies suite à la découverte de deux tumeurs inter-crâniennes non malignes. Un traitement a été mis en route. Il est rentré chez lui après avoir fait tous les examens à l'hôpital. Aujourd’hui, il se sent bien et son épouse Annie est à ses côtés. C’est l’essentiel.

    Où se situe Even The Devil Believes dans la discographie du groupe ?

    C’est le meilleur (rires). J’irais même plus loin, nos quatre derniers albums sont les plus intéressants. Des disques comme « To Hell With The Devil » ou « Soldiers Under Command » ont marqué leur époque et restent de bons albums mais si nous avions la possibilité de remonter le temps jusqu’en 1984, le groupe sortirait successivement No More Hell To Pay, Fallen, God Damn Evil et Even The Devil Believes à la place de nos premiers enregistrements. Je pense que nous aurions davantage de succès aujourd’hui sur le plan commercial. Je ne renie pas le passé mais ces quatre albums sont supérieurs à tout ce que nous avons fait auparavant. C’est mon sentiment et j’assume.

    Des titres comme « Lost », « Sorry », « Fallen », « Yahweh » ou « Blood Blood From Above », le nouveau single, auraient mérité un meilleur accueil de la part des radios du genre Rock.

    Il y a deux raisons à cela. La première est qu’il n’y a jamais eu de campagne radiophonique coordonnée par le label Frontiers. Dans les années’80, notre maison de disque, Enigma, injectait beaucoup d’argent pour décrocher une reconnaissance médiatique en radio ou à la télévision. J’apprécie le personnel de Frontiers et je ne veux pas me montrer irrespectueux mais c’est un constat : il n’y a pas des moyens illimités pour la promotion. Le budget passe principalement dans le marketing vidéo. Deuxième critère, nous sommes un groupe chrétien ce qui est disqualifiant. Tu peux investir tout l’argent du monde, la plupart des directeurs de programme trouveront un prétexte pour ne pas diffuser nos chansons. Le groupe connaît cette discrimination depuis le début. Malgré deux top 10, MTV a boycotté plusieurs de nos clips à cause de cette connotation religieuse. Si nous n’avions pas ouvertement affiché notre foi en Jésus-Christ et simplement joué du metal avec les clichés habituels, nous serions davantage populaires. Je n’ai toutefois aucuns regrets. Nous sommes le groupe que nous avons toujours voulu être et surtout nous avons un but plus important que la musique elle-même.

    Ce n'est pas parce que l’on croit en Dieu que l’on est nécessairement une bonne personne, c’est le message de la chanson « Even The Devil Believes » ?

    C’est surtout une question. Même le Diable croit, et alors ? Ce dernier a vécu au Paradis avant d’en avoir été expulsé. Lucifer connaît la vérité, il croit mais il ne vit pas dans la foi. Vous pouvez effectivement dire que vous êtes croyants mais cela ne signifie rien. Être chrétien ne se limite pas à croire en Dieu. Vous ne seriez pas différents des démons, qui eux aussi, y croient. C'est sur ses actes que chaque homme sera jugé.

    Stryper band 2020

     © Alex Solca

    Make Love Great Again » est un clin d’œil au slogan de Donald Trump. Penses-tu que la situation va se calmer aux ‘États-Désunis’ d’Amérique maintenant que la Présidentielle est achevée ?

    J’en doute. Aux USA, on ne peut plus parler de politique calmement, sans s'attirer les foudres. À gauche comme à droite. C'est une vision de la politique très émotionnelle, qui a complètement perdu sa part de rationalité.  Les gens n'ont plus les pieds sur terre. La préoccupation principale aujourd’hui est la sortie de la crise sanitaire. Le virus ne va pas disparaître subitement avec Joe Biden. On parlera encore de quarantaine, de confinement et d’hôpitaux surchargés. C’est le monde entier qui souffre. D’autres pays ont payé un lourd tribut malgré les nombreux efforts de leurs dirigeants pour contenir la pandémie. Il n’y a rien que l’on puisse faire si ce n’est porter un masque, se laver les mains et respecter les distances mais malgré ces gestes barrières il y a encore de nombreuses personnes testées positives. Aucun président ou leader mondial ne peut être tenu pour responsable d’une situation qui échappe à tout contrôle.

    Vous avez ressorti du grenier « Invitation Only », un enregistrement issu des sessions de Againt The Law. C’était à l’origine un  instrumental.

    Exact ! J’étais dans l’impasse. Je n’avais pas réussi à terminer les paroles à l’époque. J’ai estimé que c’était le bon moment de ressortir ce titre en le réarrangeant.  J’ai écrit le texte et imaginé la mélodie qui est inspirée des tonalités et tendances des années ’80. Je suis satisfait du résultat final. C’est un véritable retour aux sources. Les éléments de la chanson vous transportent dans une ambiance rétro d’une façon cool.

    Comment vous-êtes vous répartis le travail sur cet album ? As-tu composé seul toutes les chansons ?

    Robert (Sweet, batteur) a co-écrit les paroles de « Blood From Above » et « Middle Finger Messiah ». Perry  (Richardson, bassiste) a trouvé les titres des chansons « Do Unto Others » et « Make Love Great Again ».  « This I Pray » est à l’origine une idée de mon ami Livio Gravini et de sa fiancée Lisa Grinia. Ils m’ont envoyé la musique et les paroles du premier couplet. Ils m’ont ensuite proposé de l’interpréter dans la version originale sur l’album de Livio mais j’ai demandé l’autorisation de l’utiliser sur un album de Stryper car j’ai aimé le style particulier de cette chanson. Livio a immédiatement accepté. J’ai alors complété cette jolie ballade en ajoutant le refrain, d’autres couplets et paroles ainsi que le solo de guitare. J’ai également réarrangé « This I Pray » pour qu’elle rentre dans le concept global de l'album.

     Michael Sweet - 2020

    © Hannah Lee

    Quelles chansons du nouvel album comptez-vous interpréter en public au cours de la prochaine tournée ?  

    « Make Love Great Again » « Do Unto Others » , « Divider » et peut-être «This I Pray », sans oublier « For God & Rock’n’Roll » qui est un hymne fédérateur donnant au public l’envie de chanter. En général, on change quelques chansons chaque soir.  On détermine la meilleure setlist possible en tenant compte des classiques et des nouveaux morceaux. C’est d’ailleurs l’un des aspects les plus difficiles : arriver à trouver les morceaux qui vont être joués pendant heure trente alors que nous avons un paquet de chansons. Peut-être donnerons-nous un concert différent  chaque soir comme Cheap Trick.

    « Aux USA, on ne peut plus parler de politique calmement, sans s'attirer les foudres. »   

    En 2019, tu as sorti sous ton propre nom un album plus expérimental Ten. Ressentais-tu l’envie d’aller de l’avant ?

    Absolument. J’essaie de ne pas me répéter sur mes albums solos. Ten était à la base un projet de duo. Bien sûr, on trouvera des passages qui font penser à Stryper mais l’apport d’invités comme Todd La Torre (Queensrÿche ») m’a permis de tenter de nouvelles choses. Chaque chanson de l’album est unique et a son propre univers.     

    Oz et Robert n’ont-il pas eux aussi envie de s’essayer à l’effort « solo » ? 

    Robert a réalisé sous son nom Love Trash (2000). Oz a travaillé avec Sin Dizzy (l’album He’s Not Dead en 1998) que je considère comme un projet personnel puisqu’il a composé toutes les chansons. Je sais qu’il se consacre à l’écriture à ses moments perdus mais je ne peux pas te confirmer une volonté réelle de sortir un nouvel album en solo. Je suis, il est vrai, le plus actif des membres du groupe. Question musique, mes trois activités sont les concerts, la composition et la production. Je sors des albums à intervalles réguliers. On dit que je suis un bourreau de travail mais je suis un passionné avant tout. Quand quelqu’un entame la conversation avec moi au supermarché ou à la station essence, il m’arrive souvent de devoir m’excuser car une idée de chanson vient subitement de germer. Je m’arrête alors pour enregistrer la mélodie sur mon portable. Mon esprit est envahi en continu par la musique, c’est dans mon sang, mon ADN. Il arrivera sans doute un moment où je finirai par me lasser mais aujourd’hui je prends beaucoup de plaisir à faire cela.     

      © Hannah Lee

    Les projets sont nombreux pour Stryper : un documentaire, un album acoustique, un disque de Noël, le remix de Reborn et pour toi un nouvel album solo, rien ne manque ?  

    Si, je vais enregistrer prochainement les parties vocales d’un album inspiré du black metal en compagnie de Tracïï Guns (LA Guns). Ce projet s’appelle Sunborn. Mon prochain album solo sortira en février prochain. Il va  va un encore plus loin dans l’exploration par rapport à son prédécesseur Ten. Le troisième opus de Sweet-Lynch est également en bonne voie. George (Lynch) et moi devrions commencer à bosser dessus à l’automne 2021. Et puis, je travaille effectivement sur une version remixée et remasterisée de l’album Reborn (2005). Cette réédition est basée sur les bandes originales avec le bassiste Tracy Ferry et le batteur Derek Kerswill. J’ai rajouté des solos, des parties de guitares et des voix plus hautes. Dans l’immédiat, Stryper propose un set complet avec les chansons du nouvel album enregistré en condition live et en haute qualité au SpiritHouse Studio (Massachusetts). Ce spectacle intimiste sera accessible sur une plateforme (https://stryper.veeps.com) le 19 novembre, une semaine avant Thanksgiving. Le streaming sera agrémentée d'un reportage sur les coulisses du tournage ainsi que d'un chat en direct avec les internautes. On le proposera peut-être ensuite à la vente sur support physique (DVD, CD, vinyle). Nous avons aussi joué dans son intégralité l’album To Hell With The Devil. Cette session filmée sera disponible en mars-avril 2021. Suivront Soldiers Under Command et probablement Fallen ou God Damn Evil. Le but est de jouer tous nos albums dans cette configuration pour garder un lien avec le public. C’est aussi un cadeau pour nos fans ! Nous allons transformer leur salon en salle de concerts. Malgré ces temps plus que compliqués, vous pouvez compter sur Stryper !  

    Stryper : Even The Devil Believes - cover

     STRYPER

     Even The Devil Believes

     Frontiers Records 

    Malgré l’ostracisme qui continue à le frapper, Stryper n’a jamais perdu la foi en 37 ans de carrière. Even The Devil Believes est fidèle au Heavy Metal des eighties et intéressant comme celui des années 2000 avec un gros son moderne et une fraîcheur d’esprit. Conçu en grande partie avant le confinement, ce 12è disque des mettaleux chrétiens a vraiment tout pour plaire. Grâce à son refrain fédérateur « Make Love Great Again » est le nouveau credo de la bande. « How To Fly » est sublimé par des chœurs harmonieux façon Beatles, Queen ou Elo. On a aussi droit à une ballade (« This I Pray ») touchant l’univers gospel sudiste, mais quand il s’agit de rugir Stryper le fait avec plaisir comme sur le tranchant « For God & Rock’n’Roll » avec son chorus superbement ciselé. « Divider » et « Middle Finger Messiah » rappellent Judas Priest. Enfin, les fidèles seront heureux d’entendre une bonne dose de son eighties sur « Invitation Only ». Le bassiste Perry Richardson (ex-Firehouse) apporte du groove et du swing, Michael Sweet et Ozz Fox assènent tour à tour leurs fameux et incontournables solos alors que Robert Sweet confirme qu’il est resté un batteur canon ! Voilà qui mérite bien votre attention et votre estime. [Ph. Saintes]  

     

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  • ACE FREHLEY

     Retour vers le futur

    Rattraper le temps perdu, c’est l’étonnant défi réussit par Ace Frehley. Alors que Kiss n’a plus sorti d’album studio depuis Monster (2012), son ancien guitariste est revenu à ses principes originels. En cette fin d’été, il sort un second disque de reprises sur lequel il rend hommage aux guitaristes des 60’s qui lui ont donné envie de devenir musicien, aux héros des héros du rock. Le Spaceman a profité de la promo d’Origins Vol. 2 pour nous livrer quelques exclusivités. [Entretien avec Ace Frehley (Chant, guitare) par Philippe Saintes - Photos : DR – Deadly Pix]

    ACE FREHLEY promo Origins Vol. 2

    Ace, l’idée des « Origins » est de rendre hommage à tes artistes préférés, ceux qui t’ont poussé à prendre un instrument quand tu étais un ado du Bronx ?

    Exact. j’ai choisi des morceaux qui me touchaient. J’ai appris à jouer de la guitare en écoutant Jimi Page, Jeff Beck, Eric Clapton, Jimi Hendrix, Keith Richards et George Harrison. Tous m’ont inspiré et enrichi ma carrière musicale. C’est le second disque d’une trilogie que je veux dédier à ces musiciens. Bien sûr, c'est délicat car on refait quelque chose qui a déjà été fait et que le public a aimé. Le but n'est pas de dépasser les originaux, mais de faire connaître les titres aux nouvelles générations et qu'ils perdurent. Les reprises ont toujours existé, elles font partie de l'essence même de la musique.  Je pense que les fans apprécieront davantage ce deuxième volume car il y a plus d’énergie.

    Ton album sort le jour du 50è anniversaire de la disparition de Jimi Hendrix. On trouve une « cover » très réussie de « Manic Depression » en duo avec Bruce Kulick. Votre collaboration remonte-t-elle à la Kiss Kruise 2018 ?

    Nous sommes amis depuis longtemps mais c’est vrai, Bruce a manifesté l’envie de travailler avec moi lors de cette croisière. Nous sommes tous les deux fans d’Hendrix et je lui ai proposé de choisir un titre. Il a instinctivement proposé « Manic Depression » qui est également l’une de mes chansons préférées de Jimi. Ce  lien musical nous unit. Bruce exécute un solo qui tue avec une Stratocaster Floyd Rose. C’est une des plus belles collaborations sur l’album. Bruce est incontestablement le meilleur guitariste qui m’a remplacé dans Kiss. Ce n’est pas un copiste comme Tommy Thayer (il rit).  

    Autre guitariste invité, John 5 (Rob Zombie, Marilyn Manson). Ce dernier possède une incroyable collection d’objets sur Kiss. C’est aussi l’un de tes plus grands fans…

    Moi, j’ai vite sympathisé avec ce garçon. On s’est rencontré alors que je répétais pour la « Reunion Tour » avec Kiss en 1996. Il est tellement enthousiaste. C’est un plaisir de travailler avec lui. Il a amené son talent sur le solo de « I’m Down ». J’adore aussi notre duo sur « Politician ». Nos guitares se chevauchent comme on peut l’entendre avant le fondu enchaîné. Il y a une complicité naturelle entre-nous.

    La présence de Lita Ford n’est pas une surprise, elle était déjà présente sur le morceau des Troggs « Wild Thing » figurant sur le Vol. 1.

    Je connais Lita depuis l’époque des Runaways. Son groupe a fait la première partie de Kiss dans les années ’70. Je suis aussi ami avec Jackie Fox, la bassiste. Lita fut un choix naturel. Nous avons passé le week-end chez moi pour travailler sur sur « Jumpin’ Jack Flash ». Elle a toujours une voix incroyable.

    Est-il vrai que ta reprise de « Space Truckin’ » (Deep Purple) devait à l’origine se trouver sur Anomaly (2009) ?

    Oui. J’avais enregistre une version il y a plusieurs années mais le label avait opté pour « The Joker » (Steve Miller Band) à la place. J’ai réenregistré les voix et les soli  et le résultat final est très satisfaisant. 

    Tu as choisi d'interpréter la chanson « 30 Days In The Hole », l'une des plus connues de Humble Pie avec Robin Zander (Cheap Trick) au chant. Pourquoi? 

    Je suis un fan absolu de Steve Marriott. Comme je n’ai pas un registre vocal très extensible (il rit), j’ai envoyé à Robin les pistes de bases sans la voix. Il m’a dit ‘Ouah, je veux faire ce morceau avec toi !’ J’étais très flatté qu’il accepte d’ajouter sa pièce à l’édifice.

    ACE FREHLEY, Deadly Pix 1

    En guise de bonus, tu proposes une nouvelle version de « She » (Kiss). Le solo du morceau d’origine est inspiré du « Five To One » des Doors.

    Je ne m’en suis pas inspiré, je l’ai carrément ‘volé’ (rires) à Robby Krieger qui en est l’auteur. C’est un passage absolument génial. Je ne pense pas que cela soit un mal. De tous temps des artistes se sont appropriés des idées qui n’étaient pas les leurs. Il faut bien débuter par quelque chose et puis on évolue et on progresse en tant que musicien. Beaucoup de guitaristes ont copié mon style et j’en suis flatté. J’adore jouer « She » en concert. Sur la nouvelle version, je joue le solo en harmonie avec Jeremy Asbrock (Thee Rock N’Roll Residency). 

    A propos de la reprise des Beatles « I’m Down », est-il vrai que Ringo Starr a émis le souhait de te voir rejoindre son All-Starr Band dans les années ’90 ?

    En effet. J’ai reçu un appel de son manager. Il souhaitait que je parte avec Ringo en tournée malheureusement, j’avais de sérieux problèmes à une main suite à un accident. Je n’étais pas en mesure de m’en servir et donc de jouer de la guitare. J’ai décliné l’invitation la mort dans l’âme. J’ai acheté le 45t de « I Want To Hold Your Hand » lorsque j’avais 15 ans. C’est cette chanson qui m’a entraîné dans ce formidable voyage musical. Je n’aurais jamais imaginé à l’époque recevoir une invitation d’un Beatle pour jouer avec lui. Et pourtant, cela a bien failli se faire. 

    Si tu avais la possibilité de grimper dans la machine à remonter le temps et d’intégrer le line-up de tes rêves, quel serait-il ?

    John Bonham à la batterie, John Paul Jones à la basse et Robert Plant au chant (rires). Je serai  Jimi Page, l’une de mes idoles.

    Que devient le morceau de Blues enregistré avec Eric Singer (batteur de Kiss) lors des sessions de Spaceman ?

    Il figurera sur mon prochain album studio. Je dois juste refaire les parties vocales. Cette chanson s’intitule « Empty Bed Blues ».  J’ai déjà trois morceaux de prêt. Je pense inviter quelques ‘guests’, notamment mon vieil acolyte Anton Figg (batterie, Frehley’s Comet, Joe Bonamassa). Je suis revenu habiter sur la côte Est, pas très loin de chez lui. Pour le reste, je n’ai pas encore d’idées bien précises, j’aime faire les choses de façon spontanée. Dès que la pandémie sera finie, je repartirai en tournée. En attendant, j’enregistre, je compose, j’écris chaque jour une page pour mon second livre, je construis un nouveau home studio, je donne de nombreuses interviews par téléphone ou via Zoom. Je n’ai jamais été aussi actif. Cette année, ça fera quatorze ans que je suis sobre. J’essaye juste de profiter des bons moments.

    « J’aimerais enregistrer un album de vieux blues entièrement acoustique pour élargir ma palette. »

    Ton ancienne épouse Rachel vend sur internet des casettes avec des enregistrements inédits et des démos. Quel est ton sentiment ? Tu ne crains pas que tes archives soient dispersées ?

    Cela ne me concerne pas. J’ai conservé toutes les bandes. J’ai au total deux cents casettes audio analogiques rangées dans un road-case. Cela représente des heures d’enregistrements. Je compte sortir un boxset et rendre justice à ces chansons mais je dois avant explorer cette somme impressionnante de documents puis transférer le tout vers des disques durs. Je vais y passer au moins trois ou quatre ans.

    As-tu aussi conservé les bandes de Molimo, ton premier groupe officiel ?

    Oui. C’est la formation de prog-rock dans laquelle j’ai joué avent de rejoindre Kiss. Nous avions signé un contrat avec la maison  de disques RCA en 1971 mais l’album n’a jamais vu le jour. J’ai brièvement poursuivi ma carrière avec le bassiste (Dave Polinski) et le batteur (Barry Dempsey) au sein d’un groupe de reprises pour gagner de l’argent en tant qu’artiste.

    ACE FREHLEY, Deadly Pix 2

    En parlant de Kiss, que penses-tu du projet « Soul et R’n’B» de Paul Stanley ?

    Si Paul est heureux en interprétant ce style de musique, alors je suis heureux pour lui bien que cela ne soit pas ma tasse de thé. Je sais qu’il est branché « Motown ». Nous avons chacun une autre facette. De mon côté, j’aimerais enregistrer un album de vieux blues entièrement acoustique pour élargir ma palette. L’objectif est de se faire plaisir en jouant de la musique. C’est ça l’esprit rock !

    En revanche Peter Criss se fait très discret. As-tu des nouvelles récentes ?

    J’ai voulu intégrer Peter à l’album Origins Vol. 2, et l’ai invité à me rejoindre sur scène lors d’un concert dans la région de New York mais il souffrait de l’épaule et n’était pas à 100%. Il a poliment refusé les deux fois.  Nous avons été tous confrontés à un problème de santé.

    Les fans peuvent-il encore espérer voir le line-up originel de Kiss sur scène ou en studio ?

    Je n’ai pas été approché et si on me le proposait, je ne le ferais certainement pas gratuitement (il rit). Seuls Paul et Gene ont la réponse. Je regrette encore leur attitude lors de la cérémonie du Rock Hall Of Fame en 2014. Nos fans attendaient avec impatience de voir les quatre membres d’origine sur une même scène interpréter deux ou trois morceaux. Le monde entier regardait la cérémonie à la télévision mais cela ne s’est pas fait. Paul et Gene ont tout gâché à cause de leur entêtement. Je pense que cela remonte à notre concert Unplugged pour MTV avec Bruce et Eric. La demande a été si forte qu’elle a débouché sur la Reunion Tour en 1996. Le succès fut colossal. Paul et Gene ne souhaitent pas revivre le même scénario. Ils ne jurent que par la formation actuelle mais ce n’est pas l’héritage de Kiss. Ils ne donnent pas non plus satisfaction au public qui veut entendre de nouvelles compositions. C’est une erreur !  Kiss est devenu une grande entreprise mais a oublié l’essentiel : enregistrer des disques ! Si je reviens dans le groupe, un album verra le jour car je n’arrête pas de composer. Pour Spaceman, J’ai écrit deux chansons avec Gene en une après-midi. Il est temps de remercier nos fans et de leur faire ce cadeau avant de boucler la boucle.  

     ACE FREHLEY  Origins Vol. 2 cover

    ACE FREHLEY

    Origins Vol. II  

    SPV/Season Of Mist

    Que Ace Frehley s’amuse en interprétant les morceaux de sa jeunesse ne fait pas l’ombre d’un doute. C’est surtout le choix des titres qui est intrinsèquement intéressant. On connaît par cœur les morceaux éternels  « Lola » (Kinks), « I’m Down» (Beatles) ou « We Get Out Of This Place » (Animals) mais nettement moins le « Never In My Life » de Mountain, « Kicks » le tube de Paul Revere & The Raiders ou « Politician » de Cream.Bien entendu, le guitariste s'est réservé le meilleur rôle et sa six-cordes illumine l'ensemble du disque. Toutefois, il ne faut pas passer sous silence les quelques guests de luxe venus donner du médiator ou de la voix à l’image d’une Lita Ford à l’aise sur « Jumpin’ Jack Flash » des Rolling Stones, de Bruce Kulick brillant soliste sur « Manic Depression » le bijou d’Hendrix, de Robin Zander qui s’en tire avec les honneurs sur « 30 Days In The Hole » d’Humble Pie sans oublier le batteur Matt Starr (MR. Big). Si la plupart des chansons sont reproduites fidèlement, le guitar hero parvient à personnaliser des morceaux comme « Space Truckin’ » ou « Good Times Bad Times » de Led Zep en apportant des modifications au niveau des textes. Apprécier ce disque, c’est une affaire de bon goût même si le concept des reprises n’est en rien « original ». Finalement, les Origins de Frehley c’est comme le steak sauce béarnaise, une saveur identifiable mais qui fait son effet à chaque fois. [Ph. Saintes] 

     

     

     

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  •  DEEP PURPLE

    Solide comme un "rock" 

    Le vingt et unième album studio de Deep Purple a été unanimement salué par la critique. Il constitue la troisième partie d’une trilogie produite par Bob Ezrin (Pink Floyd, Kiss, Alice Cooper). Il marque surtout un retour aux digressions euphoriques. Whoosh! balance en effet entre références classiques et contemporaines avec un zeste de prog et une bonne dose de technique. [Entretien avec Steve Morse (guitare) par Philippe Saintes  - photos : Ben Wolf et Deadly Pix]

    DEEP PURPLE : Whoosh!  

    Steve, comment se passe ton quotidien en période Covid-19 ?

    Je m’occupe beaucoup sur internet. Je reçois un grand nombre d’interviews par email. J’enregistre aussi des idées de chansons. Je n’ai jamais passé autant de temps devant mon ordinateur. C’est très compliqué d’organiser et de structurer un spectacle ou de planifier des répétitions actuellement. Je doute que nous pourrons encore tourner cette année pour promouvoir le nouvel album. Nous savons à quel point la crise du Covid-19 a impacté les intermittents du spectacle, le groupe a décidé de recruter des fonds au profit des équipes de tournée. La situation est catastrophique non seulement pour toutes les personnes qui nous accompagnent sur la route mais aussi les tourneurs, les fournisseurs d’éclairage et d’équipements sonores. Des roadies nous accompagnent depuis des dizaines d’années. Sans eux il n’y a pas de shows. Certains sont âgés et n’ont pas d’autres alternatives dans la vie. Nous sommes une grande famille.

    Abordons le sujet principal, à savoir le nouvel enregistrement. Trois mots peuvent le résumer : émulation, diversité et spontanéité…

    J’aime ce que tu viens de dire mais c’est difficile pour moi de donner un avis personnel car l’album est encore très frais. Je n’ai pas le recul nécessaire pour l’analyser objectivement. Reviens me poser la question dans quelques mois. Je souhaite que les gens creusent vraiment notre album et qu’ils passent le mot à d’autres personnes. Nous avons travaillé sur de nombreuses idées lors des sessions d’écriture il y a un an et demi.  Je me rappelle du rôle joué par chacun dans l’élaboration des morceaux, des changements apportés par rapport à une idée de base, de nos jams… Whoosh! n’est pas un remake des deux réalisations précédentes  Now What?! (2013) et Infinite (2017) mais on retrouve le même enthousiasme. Nous avons tout d’abord effectué quelques sessions en Allemagne pour des échanges entre musiciens et commencer à travailler. Quelques mois après, le groupe s’est retrouvé dans le studio de Bob Ezrin à Nashville. Personne ne savait à l’avance ce qui allait sortir. Nous étions placés dans des pièces différentes mais chacun pouvait voir l’autre derrière de grandes vitres. J’apprécie vraiment cette façon de travailler old-school.

    On a le sentiment qu’il s’agit de votre disque le plus « progressif »…

    C’est vrai. J’y suis peut-être pour quelque chose (il sourit). Deep Purple a toujours conservé ses racines hard rock mais continue d’expérimenter. Nous ne nous sommes pas dit : « nous allons faire un disque de rock prog ». Ce n’est qu’au moment du mixage que nous nous sommes aperçus à quel point il l’était. Même si la base est très rock, on trouve des éléments déroutants. Je ne suis pas mécontent d’avoir exploré d’autres gammes de sensibilité. Je n’essaie pas d’influencer les autres. Nous avons un fonctionnement réellement démocratique. J’apporte mes influences mais c’est le groupe qui décide. Le processus reste très naturel. Don (Airey) et Roger (Glover) ont aussi apporté des musiques et des arrangements. Même Ian Paice apporte son point de vue. On parvient encore à s’étonner les uns les autres. C’est même ça qui nous fait avancer.

    DEEP PURPLE live 

    Tu irais jusqu’à dire que vous avez chacun le même apport créatif ?

    Tu ne peux pas avoir une contribution égale sur un disque. Je viens avec des harmonies de guitares, des riffs. Ian Gillan écrit la majorité des textes, Roger apporte des mélodies vocales et ainsi de suite. Tout le monde essaie d’apporter de nouvelles choses et c’est difficile de ne pas en tenir compte. 

    Et vous vous mettez facilement d’accord ?

    Oh non (sourire). C’est la raison pour laquelle nous avons engagé Bob Ezrin. Sa méthode est de retirer le meilleur de chaque musicien. Il me dit souvent : ‘Steve, je souhaite que tu évites de reproduire ce que tu fais avec Dixie Dregs ou Flying Colors’. C’est un plaisir d’écouter ses conseils. Cela nous a enlevé une certaine pression. Bob exige de la spontanéité. Il est aussi à la pointe de la technologie. En studio, il peut être considéré comme un membre essentiel de notre petite bande. C’est important d’avoir une personne extérieure, qui a un regard critique et objectif pour éviter les amertumes. Bob est là pour apporter la touche finale. Personnellement, j’aurais donné davantage de résonance à la section rythmique lors du mixage et opté pour d’autres soli sur quelques titres mais je ne suis qu’un cinquième du groupe. Chaque membre doit œuvrer non pas individuellement mais avec tous les autres. Je trouve que plus nous vieillissons, plus nous prenons du plaisir. On a tous l'air d'avoir une énergie infatigable.

    Il y a des parties diaboliquement compliquées sur « Nothing At All ». Ce n’est pas de l’arrogance. Cela démontre plutôt votre volonté de repousser les limites, les possibilités.

    Absolument. J’ai été surpris par le résultat. Ian Gillan m’a dit : « J’adore ta partie de guitare ! » « Ah oui, cool ! ». J’aime répondre à la ligne vocale. Cela donne une dynamique à la chanson. Les interventions guitare-claviers sur la partie centrale sont comme les mélanges d’un Buck’s Fizz (cocktail). Don et moi, on adore ça ! C’est une chanson différente du répertoire de Deep Purple que ce soit au niveau du feeling ou des arrangements mais elle a aussi un côté puissant.

    Don Airey rayonne sur l’album. Il y a une véritable alchimie particulière entre vous deux.  Es-tu d’accord avec cette analyse ? 

    Don est non seulement un artiste exceptionnel mais aussi une personne très intelligente, capable de mémoriser la musique plus rapidement que nous tous. C’est l’un des musiciens les plus fluides en improvisation. J’aime le côté aventureux de Don. Nous nous affrontons l'un et l'autre dans une sorte de compétition très amicale. Nos jams avec Ian Paice sont intéressantes sur le plan créatif.

    DEEP PURPLE live (3)

    Chaque morceau de Whoosh ! possède des textes élaborés. Cela signifie que vous souhaitez faire passer de vrais messages…

    Qui sait ? Peut-être avons-nous été influencés par le contexte actuel : l’économie, le climat, la politique… Ian (Gillan) s’est interrogé sur les nombreux paradoxes de l’existence. Il aborde souvent des thèmes qui le concernent sur le plan personnel.

    "Les interventions guitare-claviers sur la partie centrale de 'Nothing At All' sont comme les mélanges d’un Buck’s Fizz (cocktail anglais). Don et moi, on adore ça !"

    Combien de titres allez-vous jouer en live ?

    Trois chansons ont selon moi le potentiel pour devenir des classiques de Deep Purple. « Throw My Bones » a un côté accrocheur. C’est également le cas de « The Power Of Freedom » et « Dancing In My Sleep », des musiques plus faciles pour capter l’attention du public et ne pas faire baisser l’ambiance durant le set. Une fois encore, le choix revient au groupe. Ian Gillan choisira ensuite parmi nos propositions, les titres sur lesquels il se sent le plus à l’aise vocalement. C’est toujours comme cela que nous fonctionnons. Le setlist est habituellement finalisée la veille du premier concert.

    Vous avez beau être plus que sexagénaires, Deep Purple reste une machine à tourner. Le groupe a joué presque partout dans le monde. Vous reste-t-il cependant des terres à conquérir ?

    J’aimerais davantage tourner en Afrique et dans les pays de l’Est ainsi que dans de plus petites villes en Amérique du Sud. Toutefois, je ne peux pas me plaindre du carnet de route de Deep Purple. C’est un choix et un mode de vie. En tant que ‘performers’ nous avons besoin d’être sur la route. Rencontrer le public reste un moment magique. L’enthousiasme est tel que parfois,  on ne sait plus dans quel pays nous nous trouvons. L’énergie de la foule est la même partout. La musique possède un merveilleux pouvoir d’unifier.

    DEEP PURPLE live (3)

    Si tu devais résumer ta carrière en cinq chansons. Quels titres choisirais-tu ?

    « Take It To The Top », un instrumental de Dixie Dregs, « Nothern Lights » interprété en duo (guitare-violon) pour l’album Free Call. « Sometimes I Feel Like Screaming » qui est ma première composition pour un album de Deep Purple (Purpendicular). « Uncommon man » un titre hommage à Jon Lord que l’on trouve sur Now What?!  Don et moi avons improvisé l’intro de ce morceau. Ce fut une expérience interactive mémorable. Enfin, « A Place In Your World » de Flying Colors, un rock mélodique mais intense. J’ai toujours aimé ce type de composition…

    Tu as d’autres passions en dehors de la musique. Tu es ainsi un pilote d’avion chevronné. As-tu déjà pris les commandes d’un appareil avec les autres membres de DP comme passagers ?

    Nous avons un excellent capitaine allemand pour cela. Il m’a déjà proposé de prendre les commandes mais au pont de vue des assurances, c’est risqué. Je n’ai plus ma licence de pilote de ligne. Je vole régulièrement à bord d’un appareil léger pour mon plaisir. J’éprouve des sensations différentes de la scène. C’est relaxant. Je suis fasciné par les aéronefs depuis l’enfance. La noblesse du ciel nous apprend à rester humbles !

    J’ai eu l’occasion d’interviewer tous les membres du line-up actuel de Deep Purple, excepté Roger Glover. Promets-moi d’enregistrer un autre disque avec le groupe pour me permettre de discuter avec lui la prochaine fois.

    On les traite de dinosaures mais ces types viennent d’une autre planète sur laquelle les gens vivent jusqu’à 300 ans au moins. Ils ont décidé de nous rendre visite sur cette terre. Je serai mort depuis longtemps quand Deep Purple arrêtera d’enregistrer des albums, crois-moi. (Rires)   
     

    DEEP PURPLE : l'interview de Steve Morse

      DEEP PURPLE

    Whoosh! 

    EarMusic/Warner Music

    Whoosh! Déjà le nom amuse. Il y a du subliminal là-dessous. Ainsi, la plage d’ouverture « Throw My Bones »  est une réflexion sur la carrière de Deep Purple.  L’auditeur ne tombera pas sur un os avec ce  premier titre direct taillé pour la scène.  « Drop the Weapon » montre une facette plus exotique au contraire de « We’re All The Same In The Dark » du Purple pur jus sur lequel Steve Morse étale son époustouflante dextérité. « Nothing At All » montre qu’après plus de 50 ans de carrière, le groupe continue d’explorer de nouveaux horizons musicaux.  Vocalement, Ian Gillan a trouvé sa zone de confort, donc pas besoin de brailler comme il le chante avec feeling sur « No Need to Shout ». « Step By Step » est une pièce musicale de très haut vol, magnifiée par la grande complicité entre Morse et Don Airey. « What The What » est une composition plus dansante et jubilatoire dans le style de feu Little Richard. On retrouve un terrain plus aventureux et captivant sur « The Long Way Round ». Dès les premières notes, on sent l’inspiration ! Suivent le fascinant « The Power Of The Moon », un rapide interlude musical (« Remission Possible ») et le surprenant « Man Alive » exécuté par un groupe au sommet de son art. Gillan utilise ici le même type de narration énigmatique employée sur « On Top Of The World » (titre d’Infinite). L’album se clôture avec deux chansons plus groovy : le dispensable instrumental  «  And the Address » exhumé du Deep Purple MK I et l’entraînant « Dancing in My Sleep » mené par un son futuriste. Ce 21è opus est-il le dernier de cette formation qui plane au-dessus de la masse ? Si c’est le cas, la révérence finale est magnifique, à la hauteur de la carrière de Paice, Glover & Co. [Ph. Saintes] 

     

     

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  •  FM

    Le patient anglais

     Quel allait être l’après Atomic Generation ? FM plus FM que jamais, toujours là, où et quand on ne l’attend pas. Ce nouvel album est une autre merveille qui ne doit rien à personne et Steve Overland s’explique en exclu pour Classic Obs’. [Entretien avec Setve Overland (chant, guitare) par Philippe Saintes  - photos : Antonio Ayotis]

    FM 2020

    Steve, il y a des facettes multiples et colorées sur cet album. Du funk, de la soul, une touche de gospel, du blues et même des éléments électros sur « Ready For Me ». Il s’agit probablement de votre album le plus varié.  

    Tu as raison, Philippe. On retrouve des touches de tout ça sur le CD. Chaque titre de Synchronized a son propre ADN. « The Ghost Of You And I » par exemple a un côté country. Nous n’avons pas peur de sortir de notre zone de confort et d’expérimenter aujourd’hui. Il n’y a plus de  contrainte, de cadre fixé ou des balises. L’important est de rester sincère, entier et frais, en évitant la complaisance. J’aime la diversité de Synchronized.  Nous n’avions pas d’idée arrêtée au départ de l’enregistrement. Si une chanson était bonne on l’incluait sur le disque. « Superstar » ne devait pas s’y trouver initialement car il est arrivé tardivement mais nous sommes retournés en studio simplement parce qu’on adorait tous ce titre. Synchronized n’est pas un fourre-tout. Bien sûr, on ne peut pas s’empêcher de penser à Atomic Generation, qui a bien marché sur le plan commercial et peut-être parce que l’on se demande toujours si l’auditeur va aimer ce que l’on fait. Néanmoins, nous ne comparons pas systématiquement nos albums entre eux. Nous écrivons ce que nous aimons, sans pression.

    Vous avez désormais le contrôle de votre destinée. Ce ne fut pas nécessairement le cas dans les années ’80. 

    C’est exactement ça. CBS, Epic ou Chrysalis nous poussaient à devenir le nouveau Journey ou le nouveau Bon Jovi. Nous avons le contrôle de notre musique à présent. On fait ce que l’on veut et on va là où on veut. Le label Frontiers n’interfère pas dans le contenu ou notre orientation musicale. Les responsables se contentent de recevoir le produit fini et nous, nous encaissons le chèque à la fin de l’enregistrement. La confiance est un aspect important dans notre collaboration. Personne n’a à se plaindre jusqu’à présent. Le seul compromis est pour nos fans. Nous avons un devoir envers eux. C’est la raison pour laquelle nous écoutons leurs avis. C’est primordial d’avoir un lien avec les personnes qui achètent ta musique. Sans elles, on ne ferait pas ce magnifique métier depuis trente ans. Chaque chanson a une histoire pour le public.   

    Avec « Synchronized », le titre générique, vous tenez un nouveau tube à l’instar de « Killed By Love » sur le précédent opus. Ce sont des chansons qui restent dans la tête. Un air que vous voulez entendre encore et encore avec un refrain à faire trembler les murs… 

    FM aime produire des chansons avec de bons  gros refrains, que les gens retiennent facilement. L’accroche est le nerf de la guerre d’une bonne chanson pour moi. J’aime un rythme ‘catchy’ appuyé par une basse continue, groovy comme sur les hits de Michael Jackson « Beat It » ou « Billie Jean ». J’apprécie aussi les sonorités dansantes des années ’80, je pense aux mélodies identifiables de The Police.  C’est un plaisir de voir le public reprendre en chœur nos chansons pendant les concerts. Nous ne sommes pas des génies, on écrit juste des chansons « commerciales ».  

    A quoi fait référence le titre « End Of Day » écrit par Pete ? 

    Cette chanson parle de notre société autodestructrice. La réalité n’est pas brillante. Les évènements récents le démontrent bien. C’est un morceau plutôt heavy. Il a un côté dramatique aussi. La musique brutale se marie parfaitement avec le texte. Nous ne sommes pas un groupe à message habituellement. 

     

    FM Synchronized cover

     

    Avec le déconfinement, j’imagine que vous espérez bientôt reprendre la route pour défendre cet album.  

     

    J’adore interpréter sur scène les dernières compositions. Nous avons pris l’habitude d’insérer trois ou quatre nouveaux titres dans la setlist. Evidemment, vous entendrez toujours « That Girl » et les autres classiques de Indiscreet (Note : premier disque FM)  car cet album fait partie de notre histoire,  mais je trouve excitant d’interpréter de nouvelles chansons. J’aimerais ajouter cette fois « Synchronized », « Superstar » et la ballade « The Ghost Of You and I » dans une version piano-voix. C’est difficile d’établir une setlist. On en parle chaque fois entre-nous pendant des heures. Nous avions programmé une tournée en Europe et deux autres au Royaume Unis ainsi que la participation à deux croisières rock mais tout est reporté à 2021 en raison de la pandémie.  C’est très frustrant. Pour garder le contact avec nos fans, on organise régulièrement des Q&A sur la page Facebook du groupe. 

     

    « Depuis la reformation, FM bénéficie de nombreux passages sur les ondes au Royaume Uni. Je pense que c’est en grande partie dû au son moderne du groupe. » 

     

    FM a influencé de nombreux artistes. T’intéresses-tu à la scène musicale actuelle ?   

     

    Absolument. En partie grâce à mes enfants. J’aime Ed Sheeran par exemple. J’écoute parfois le top 40 sur BBC 2 ou des stations plus commerciales. Pour être compétitif aujourd’hui, tu dois écouter des choses actuelles. Indiscreet par exemple est un album de son temps avec une technologie complètement dépassée. Les méthodes d’enregistrement ont évolué comme la façon de consommer la musique. Ce serait stupide de notre part de ne pas en tenir compte. Nous avons la chance d’être massivement soutenu par les médias. Depuis la reformation, FM bénéficie de nombreux passages sur les ondes au Royaume Uni. Cinq de nos « single » ont eu droit aux honneurs des radios nationales. Je pense que c’est en grande partie dû au son moderne du groupe. Cela nous offre certainement de formidables opportunités. Il faut vivre avec son époque pour ne pas être banalisé.  

     

    FM 2020 (2)

     

    Avant FM tu as fais partie d’un groupe AOR culte avec ton frère (Chris), Phil Soussan (Ozzy Osbourne, Last In Line) et surtout le légendaire Simon Kirke (batteur de Bad Company et Free). Peux-tu nous parler de la genèse de ce projet… 

     

    J’étais un fan absolu de Free. Ado, c’était mon groupe favori avec Bad Company.  Chris et moi avons enregistré un premier album (Burning) sous le nom de Wildlife et avec d'autres musiciens, pour Chrysalis Records. Un deuxième disque était en projet mais le label a décidé de faire une pause. Nous avons eu la chance d’être repérés par Peter Grant, qui gérait à l’époque Swan Song, le label indépendant lancé par Led Zeppelin. Il désirait nous faire signer après avoir entendu une démo. Lui et Simon (Kirke) nous ont invités à le rejoindre à Londres. Mick Ralphs, le soliste de Bad Co était également présent. Il fut décidé que ce dernier produirait l’album. Tu imagines la claque. J’allais enregistrer avec mes idoles.. Nous avons commencé à répéter et à auditionner plusieurs bassistes, dont Neil Murray de Whitesnake mais c’est Phil Soussan qui, après avoir réussi avec brio une audition à Londres, fut engagé. Phil était aussi bon en studio qu’il ne l’était sur scène. Il assurait. La seule chose qu’il écrivit pour l’album est la version originale de « Shot In The Dark », chanson popularisée plus tard par Ozzy Osbourne. Inexplicablement, elle n’a pas été retenue pas plus que « Sunrise » le morceau qui nous a permis de signer un contrat professionnel avec Chrysalis. On avait trouvé un véritable esprit de camaraderie. Wildlife a enregistré un deuxième album éponyme dans le studio de Jimi Page et le résultat fut excellent. Nous avons ensuite tourné aux Etats-Unis avec le Michael Schenker Group. Là-bas, nous étions distribués par Atlantic. C’était énorme ! Le groupe n’a toutefois pas survécu à la disparition de Swan Songs Records en 1983 lors de la séparation de Led Zeppelin et les soucis de santé de Peter Grant qui s’était chargé jusque-là de toutes les négociations. Les deux albums de Wildlife ne sont disponibles qu’en K7 et en vinyle. Heureusement, nous sommes toujours détenteurs des droits. Ils devraient prochainement ressortir dans des versions remixées.  Simon et moi sommes restés de très bons amis. J’avais pris l’habitude de le voir jouer sur scène avec Bad Company. Ce fut encore le cas à Manchester lors de la dernière tournée du groupe. Il est toujours mon héros. Nous avons à nouveau collaboré il y a un an et demi sur l’album de Lonerider. L’influence de Free et Bad Co est particulièrement sensible. J’aimerai vraiment réaliser un deuxième disque avec ce projet.      

     

    Parle-nous de tes premiers pas sur la scène musicale.  

     

    Wildlife a été formé très tôt à Nortfolk avec de jeunes musiciens locaux. A l’origine le groupe s’appelait Bones et était fortement influencé par la musique de Free et Bad Company.  Le processus s’est mis en place lentement. On a bossé dur. Après des années d’apprentissage, d’écriture et de tournées essentiellement provinciales, nous avons commencé à nous produire dans les clubs de Londres.  Je devais avoir 17 ans à l’époque. C’est cependant lors d’un concert à Kinsley que nous avons été repérés par un représentant de Chrysalis. Tout n’est peut-être pas le fruit du hasard.   

     

    Steve Overland 2020

    Quel est le premier album rock que tu as acheté ? 

    Electric Warriors de T-Rex. J’avais mis de côté de l’argent pour m’offrir ce vinyle. C’était comme recevoir un cadeau à Noël. J’ai écouté le disque en continu. J’avais l’habitude de chaparder les vinyles de mon frère. Il était en avance sur moi. Il possédait des pépites comme Rockin The Filmore d’Humble Pie ou Abbey Road des Beatles. La découverte de ce dernier album fut un grand choc pour moi. Il reste mon album numéro 1 à ce jour.   

     

     

    Quels sont tes projets, Steve ?

     

    J’en ai beaucoup, honnêtement, Philippe. Je suis en pleine négociation avec Frontiers Records pour la réalisation d’un nouveau CD avec le groupe Groundbreaker. Mon nouvel album solo (Scandalous) sortira en août sur le label Escape Music. Il s’agit déjà du 5è opus d’Overland. On y retrouve des influences diverses, notamment des Doobie Brothers. Je suis content d’avoir pu enregistrer un album qui correspond à mes goûts musicaux sans interférence quelconque. Le titre « Changing Times » est une marque de respect pour tout le personnel médical qui a œuvré dans le monde entier pendant la pandémie. C’est aussi un hommage à toutes les victimes du Covid-19. Tonny Denander m’accompagne à la guitare. Nous avons écrit ensemble tous les titres de Scandalous. Il m’avait envoyé de nombreuses idées et des arrangements. J’ai composé de mon côté les mélodies et les textes. Brian Tichy (ex-Whitesnake et Dead Daisies) est à la batterie et Brian Anthony, notre bassiste/organiste, a mixé l’album aux Etats-Unis. Malgré le virus, je ne reste pas inactif et c’est bien comme ça ! 

     

     Overland scandalous cover

    FM se produira au ALL STAR FEST (20 et 21 novembre) à Anvers (B)

     

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      BLACK SWAN

    Les Compères

    Le sympathique Jeff Pilson, plus connu en tant que bassiste de Dokken et de Foreigner, nous parle du nouveau supergroupe du label Frontiers, Black Swan, qu’il a formé avec ses potes Reb Beach (Whitesnake, Winger) et Robin McAuley (MSG, Survivor) ainsi que du flamboyant batteur Matt Starr (Ace Frehley, MR. Big). L’album Shake The World est le coup cœur Classic Rock du premier trimestre 2020. [Entretien avec Jeff Pilson (basse) par Philippe Saintes  - photos : Enzo Mazzeo]

     Black Swan Band

    Jeff, tu avais travaillé autrefois avec Robin et Reb. Black Swan était une opportunité de collaborer à nouveau ensemble ? 

    Tout à fait. Après une entrevue avec Serafino (Perugino), le boss de Frontiers, durant laquelle nous avons évoqué la possibilité de créer un nouveau projet, je suis parti en tournée avec Foreigner à l’été 2018. Nous avons partagé l’affiche avec Whitesnake dont Reb est l’un des guitaristes. J’ai immédiatement proposé à Reb de participer à cette nouvelle aventure. La complicité entre nous a été immédiate lors de l’enregistrement de Erase the Slate avec Dokken (1999). Nous avons gardé contact. Même remarque concernant Robin, un camarade depuis plus de trente ans.  J’ai été son témoin de mariage. Donc, j’ai effectivement eu la chance de travailler avec des artistes que je respecte énormément et qui sont des amis. L'alchimie entre nous, on en a à revendre. Cette complicité se retrouve d’ailleurs dans les chansons. Reb et moi avons créé la musique tandis que Robin a apporté sa contribution au niveau des textes. J’ai composé quelques refrains ainsi que les paroles de « Divided/United ». Black Swan est un vrai groupe. Nous avons été agréablement surpris par la réaction et l’engouement du public pour ce premier album. C’est très positif.

    Après avoir disparu des radars pendant plusieurs années, Robin McAuley effectue ici un retour fracassant sur le devant de la scène.

    Robin a mis beaucoup d’émotions dans les chansons. Sa voix est authentique et hors norme. Il a par exemple fait de « Divided/United » un morceau littéralement extraordinaire. C’est un artiste sous-estimé selon moi. Beaucoup l’ont classé dans la catégorie « chanteur de ballades » mais il a un registre plus varié comme en témoigne ce disque.

    Qui a proposé le nom de Matt ‘Fu Manchu’ Starr pour compléter le quatuor ?

    (Il rit) C’est Serafino. J’ai trouvé l’idée excellente. Son énorme talent est reconnu depuis longtemps mais nous n’avions jamais collaboré auparavant. Matt est arrivé à la fin de du processus mais il est  monstrueux à la batterie. On le sait moins mais c’est aussi un excellent chanteur. On aimerait jouer ensemble live malheureusement il est difficile de faire coïncider les agendas cette année. Ce serait très amusant connaissant l’humour de Reb en tournée. On pourrait peut-être envisager quelques concerts pour la sortie du deuxième album cependant, je ne peux rien promettre.

    Jeff Pilson

    Les textes de plusieurs chansons sont assez sombres comme notre époque en quelque sorte. 

    Nous ne pouvons pas nous empêcher de songer que la planète aurait besoin d'être secouée (“Shake The World”). Un changement profond des mentalités doit être engagé même si nous voulons rester positifs à la fin de la journée.

    Quels sont tes projets immédiats en tant qu’artiste mais aussi producteur ?

    Je travaille actuellement avec Steven Adler (ex-Guns’N Roses) et son groupe. Nous avons enregistré un titre dont le mixage est en cours. J’espère que cela va déboucher sur un disque complet. Je croise les doigts. J’espère aussi faire deuxième opus avec The End Machine (ex-Dokken). Nous sommes en pleine discussion. Et puis, il n’est pas exclu que je rejoigne Don et George sur l’une ou l’autre date du Dokken-Lynch Mob Tour, si l’opportunité se présentait. En attendant, je me réjouis de vous voir nombreux sur la tournée européenne de Foreigner !   (Note : cette interview a été réalisée avant le confinement)

    "J’ai effectivement eu la chance de travailler avec des artistes que je respecte énormément et qui sont des amis. L'alchimie entre nous, on en a à revendre. Cette complicité se retrouve d’ailleurs dans les chansons."

    Si tu devais choisir une chanson autobiographique, quelle serait-elle ?

    C’est une question tr ès profonde. Laisse-moi  réfléchir ! Probablement « Come Together (Beatles). C’est celle qui me vient directement à l’esprit.

    Le premier instrument tenu entre tes mains quand tu étais jeune ?

    Le violoncelle. J’étais en cinquième primaire. J’avais donc onze ans. Je n’ai appris à jouer de la basse qu’un an plus tard.

    La première chanson interprétée en public ?

    Le premier morceau que j’ai essayé de jouer et de chanter en même temps est « Born To Be Wild » de Steppenwolf. J’étais très enthousiaste au moment d’interpréter ce titre. Je m’en souviens parfaitement.

    Ton album favori. Ton numéro un ultime ?

    Revolver des Beatles suivi de très près par Close To The Edge de Yes et OK Computer de Radiohead. C’est définitivement mon top 3.

     

     Black Swan cover

    BLACK SWAN

    Shake The World

    Frontiers Records 

    Enregistré dans le studio de Jeff Pilson à  LA, Shake The World devrait rallier tous les amateurs de hard rock mélodique à sa cause. Le titre éponyme confirme notre impression qui n’est jamais démentie. Ces types jouent du rock parce qu’ils ne savent et ne veulent faire que ça. Tous les ingrédients sont-là. Guitares acides et nonchalantes, basse ronde, batterie mastodonte et une voix digne des plus grands. Pas de solos à rallonge ici mais un souci de l’efficacité maximale. Les morceaux sont à la fois inspirés et engagés. « Shake the World » parle du réveil des consciences, « Long Road To Nowhere » évoque sans tabou le problème de la drogue et « Johnny Came Marching » décrit le retour à la vie “réelle” d’un soldat. Et puis avec des compositions comme « Big Disaster », « Immortal Souls » ou « The Rock That Rolled Away », Black Swan montre qu’il n’est pas qu’un groupe éphémère qui s’attache à faire revivre le passé (malgré le clin d’œil à Queen sur « Divided/United »). On peut même lui prédire un avenir certain. [Ph. Saintes] 

    Retrouvez cet article dans Classic Obs' #5 (Mars-Avril 2020)

      

     

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  • KXM
    La règle de trois

    KXM revient avec Circle Of Dolls, troisième album du trio Doug Pinnick (King’s X), George Lynch (Dokken, Lynch Mob) et Ray Luzier (Korn). Un melting-pot risqué mais réussi d’une formation qui n’en a que faire d’alibis quelconques. [Entretien avec Doug Pinnick (voix, basse) par Philippe Saintes – photo : Sébastien Paquet]

    KXM promo 2019

    Comment est né Circle Of Dolls ?

    Très spontanément. Nous n’avions pas planifié le style, les sujets, l’ambiance. On a laissé aller notre inspiration une fois réunis tous les trois dans la même pièce. On a enregistré très rapidement dans une excellente ambiance. Il y a eu beaucoup de fous rire. Chris Collier, un ami du groupe, a produit et mixé le disque. Est-ce le meilleur des trois ? Honnêtement, je ne sais pas. Si c’est l’avis des auditeurs et des critiques, alors j’accepte ce jugement. Pour moi, il s’agit juste d’un nouvel album de KXM dans lequel j’ai mis tout mon cœur et toute mon énergie et je suis très satisfait du résultat. Maintenant, j’espère que les auditeurs l’apprécieront autant que moi. Si nous avons l’opportunité de partir en tournée, nous le ferons avec plaisir car nous adorons tous les trois la scène.

    Circle Of Dolls est un manifeste engagé. Le titre « Border » évoque la barrière entre les Etats-Unis et le Mexique.

    Oui, c’est la guerre des mots chez nous à propos de la situation à la Frontière. On parle de réfugiés, de migrants ou de clandestins. C’est sans doute le sujet le plus clivant aux Etats-Unis. Au Royaume-Uni, le Brexit ouvre la porte à une discrimination généralisée. Ce n’est donc guère mieux.  Je ne prétends pas avoir la solution. Après tout, je ne peux aller nulle part sans mon passeport. Toutefois, je suis opposé à la tolérance zéro en matière de politique migratoire. Nous ne devons pas tourner le dos aux gens qui fuient la misère, la guerre ou l’oppression politique. Le moins que l’on puisse faire c’est d’en parler, de sensibiliser ceux qui nous écoutent.

    Dans le livre What You Make It (The Authorized Biography Of Doug Pinnick) on apprend que tu as eu l’opportunité de rejoindre Kansas et même Deep Purple mais tu as finalement préféré poursuivre l’aventure avec King’s X. Pas de regrets ?

    Aucun. Ian Gillan est mon chanteur préféré et j’adore Steve Walsh. J’ai décliné ces opportunités parce que je ne souhaitais pas reproduire ce que ces deux icônes du rock avaient créé et devenir un chanteur de substitution. Je préfère jouer ma musique sans règle, ni contrainte. Je n’étais de toute façon pas disponible car King’s X était très actif à la fin des années ‘80. Peu de groupes peuvent se targuer d’avoir continué avec le line-up d’origine, il y a ZZ Top ou U2. C’est cool de faire partie d’une formation qui a tenu aussi longtemps sans être un gros vendeur,  malgré un parcours semé d’embûches. C’est comme un mariage pour chacun de nous.

    KXM promo 2019 (2)

    King’s X sortira prochainement un nouvel album chez Golden Robot Records. On évoque un retour aux sources…

    Il n’est pas sans rappeler l’atmosphère de nos premiers albums, effectivement. J’ai enregistré avec Jerry (Gaskill, batterie et voix) et Ty (Tabor, guitare et voix) dans les mêmes conditions que Gretchen Goes To Nebraska (1989). Nous avons pris notre temps au niveau des arrangements et travaillé très dur pour ne pas décevoir les fans purs et durs. On a l’espoir d’en faire un « classique » de King’s X. Je ne vais pas m’avancer sur la date de sortie mais ce sera certainement pour 2020.  Nous sommes actuellement en pleine phase de mixage.

    Que peux-tu nous dire sur tes plans futurs ?

    Je pars en tournée cet automne avec Joe Satriani (guitare) et Kenny Aronoff (batterie) dans le cadre de l’Experience Hendrix Tour, aux Etats-Unis. Il n’y a malheureusement pas de dates programmées en Europe pour l’instant. Après, je vais commencer à travailler sur un album solo et ensuite je rejoindrai mes potes Jabo et Scot  Bihlman pour le troisième opus de Grinder Blues. C’est tout pour l’instant (rires). Une fois un album terminé, j’ai vraiment besoin de me mettre au projet suivant et travailler, j’adore ça !  

     

    KXM Circle Of Dolls cover

    KXM

    Circle Of Dolls

    Frontiers Records

    George Lynch nous revient déjà sept mois après la sortie de The End Machine, un album enregistré avec ses anciens acolytes au sein de Dokken (Jeff Pilson et Mick Brown). On retrouve cette fois l’ami George entouré du  chanteur-bassiste Doug Pinnick (Kings X) et du batteur Ray Luzier (Korn) qui sont loin d’être un backing de luxe pour guitar-hero en mal de reconnaissance planétaire. Circle of Dolls est déjà le troisième album de ce trio baptisé KXM. Descente d’intro, basse distordue, gospel rouleau compresseur et riffs à faire virevolter les étoiles : c’est « Mind Swamp ». On retrouve cette fièvre hard-rock funk dans « Big As The Sun » ou « Cold Sweats ».  « Time Flies » est un rock marathon alors que « Lightning » et « Twice » sont des petits joyaux de feeling où la guitare se fait langoureuse. Lynch nous met la gifle avec des solos souvent complexes mais  toujours variés prêts à accueillir les délire vocaux de Pinnick (« Vessel Of Destruction »).  Sur la plage finale « The Border », vous reconnaîtrez quelques belles influences (Beatles, Pink Floyd). Dans l’ensemble, le jeu reste fluide, acéré, ouvert à toute ébauche de groove, avec de bonnes trouvailles au niveau des arrangements. Une vraie réussite. [Ph. Saintes] 

    Retrouvez cet article dans Classic Obs' #4 (octobre-novembre 2019)

     

     

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  • ANGEL 

     Le retour de l’Art Rock

     

    Figure marquante du label Casablanca dans les années ’70, Angel a été un entertainment band à l’américaine comme Kiss, son partenaire d’écurie dont il fut le vivant contraire. Dans le magazine Best n°112 (novembre 1977), le journaliste Hervé Picart décrivait la formation de Washington DC en ces termes élogieux : « l’archange blanc joue avec la foudre et pratique l’incendie comme un des Beaux-Arts. » Après 20 années de sevrage discographique, les fans d’Angel vont pouvoir se gaver jusqu’à plus soif avec Risen, un 7è album studio qui compte pas moins de 17 titres. Le groupe se produisait pour la toute première fois en Belgique, à l’occasion du Golden Age Rock Festival, à Liège. Nous avons rencontré à cette occasion les deux membres historiques, Frank DiMino (chant) et Punky Meadows (guitare solo) ainsi que leur nouveau complice Danny Farrow (guitare rythmique). [Interview par Philippe Saintes – photos : Phil de Fer]

      

     Angel band 2019

     

    Ce retour était très attendu et espéré par vos fans. Votre nouvel album porte un titre de circonstance, Risen (Résurrection). Pourquoi avoir redonné vie à Angel ?

    Punky : Angel n’a jamais officiellement arrêté. Il y a eu plusieurs changements de personnel au sein de la formation mais les musiciens d’origine ont continué à travailler ensemble occasionnellement et nous sommes restés d’excellents camarades. C’est le business qui a mis notre carrière en veilleuse quand Casablanca Records a été repris par Polygram en 1980. Nous étions tellement désabusés et fatigués par l’industrie musicale, que nous n’avons même pas réclamé les droits de nos chansons. Alors que le sort du groupe était en suspens, on nous demandait tout le temps si on allait se reformer un jour. A vrai dire, les choses se sont faites naturellement. Tout est parti du disque de Frank en 2016 (Old Habits Die Hard), puis de mon album solo (Fallen Angel) l’année suivante. Nous avons chacun joué sur le disque de l’autre. Ensuite, nous sommes partis en tournée avec mon groupe. L’accueil fantastique du public a été le détonateur de la nouvelle vie d’Angel. De là, on a signé avec une maison de disques qui a pignon sur rue, Cleopatra Records, en l’occurrence. La suite logique est ce nouvel album Risen qui sortira le 1er novembre. Il contient seize titres passionnants et une nouvelle version de « Tower », chanson emblématique du premier Lp.

    Frank : Risen est un album varié et divertissant.  Tu as un concentré de notre univers : le hard rock et une musique esthétique, avec un son moderne et une nouvelle énergie. On a toujours joué sur les contrastes. Si tu écoutes  « Stick Like A Glue » et « Under Suspicious » sur l’album White Hot, il y a un abîme, les ambiances sont totalement différentes. Nous avons gardé la même diversité sur Risen.

    Punky : Angel a changé de musique de nombreuses fois parce que nous sommes avant tout des musiciens éclectiques. Sur Risen, il y a des morceaux profonds et d’autres plus fun. Avec certains artistes, tu as l’impression que toutes les chansons sonnent pareilles. Ce n’est pas notre cas. Nous n’avons jamais recherché la facilité.  Frank, Danny et moi avons travaillé très dur même si on n’était pas toujours dans la même pièce. Il ne nous a pas été possible d’enregistrer ensemble en studio car nous sommes trop éloignés les uns des autres géographiquement. On se voyait de temps en temps pour des échanges puis on rentrait à la maison et on s’envoyait la matière par email. Travailler à distance n’a pas empêché la complicité.

     

    Le morceau « 1975 » est-il un clin d’œil à la période dorée du groupe ?

    Punky : Absolument. 1975 est un excellent millésime. David Bowie, Kiss, Aerosmith, Queen ont connu la consécration et Angel sortait son premier opus. Les disques de cette année mémorable vieillissent bien et s'écoutent toujours autant. « 1975 » parle de notre envie de grimper dans la machine à remonter le temps.                                                                                                                                                  Danny : La choriste que l'on entend sur la chanson s'appelle Amy Anderson.

    Les fans de la première heure sont restés fidèles. Pensez-vous que votre public s’est élargi à de nouvelles générations ?

    Punky : Angel a toujours eu pour but de toucher plusieurs générations. Les personnes qui viennent à nos concerts ont grandi avec nous mais il y a aussi des jeunes de 15-16 ans qui trouvent que la musique du groupe est intemporelle. C’est agréable d’avoir des gens qui découvrent aujourd’hui nos premiers albums. 

    Angel - Punky Meadows

    On ne trouve plus que deux membres fondateurs dans le groupe aujourd’hui. Pouvez-vous nous présenter les nouveaux ?

    Danny : Je m’appelle Danny Farrow et je suis le guitariste rythmique. J’ai co-écrit et co-produit l’album solo de  Punky. Steve E. Ojane (Initial Kick) est notre bassiste. Billy « The Beast » Orrico est à la batterie et est connu pour sa participation au tribute band Queen Extravaganza. Enfin, Charly Calv qui a fondé Shotgun Symphony est aux claviers. Il joue également sur le disque de Punky.

    Les autres musiciens du line-up classique (Felix Robinson, Barry Brandt et Gregg Giuffria) ne se sont pas montrés intéressés par ce come-back ?

     

    Frank : Félix n’était pas disponible pour participer à la tournée mondiale. Je suis régulièrement en contact avec Barry  mail il connaît des soucis de santé. Il n’est pas impossible que ce dernier nous rejoigne bien que cela ne soit pas à l’ordre du jour. Nous avons surtout envie d’aller de l’avant avec le line-up actuel.

    Punky : Steve, Bill, Charly et Danny sont incroyablement forts. Ils ont très vite trouvé leur place. Ce groupe est vraiment soudé. Je suis fier d’en faire partie. 

     

    Sur scène, vous avez gardé vos « peintures de guerre », les fameux costumes immaculés…

    En effet. Les personnes qui se rendent à un concert d’Angel veulent voir les costumes blancs et le logo lisible dans les deux sens (à l’endroit et à l’envers). La tournée sur la Côte Est aux Etats-Unis, a déclenché une vague d’enthousiasme. Je conserve également sur scène le micro blanc que j’avais utilisé lors de notre première tournée en 1975.

    Sur la pochette de White Hot, vos personnages (Note : cinq anges martyrs de la Terreur) sont immortalisés devant la cathédrale Notre Dame de Paris qui a été ravagée par les flammes plutôt cette année.

    Punky : Oui, c’est intéressant quand tu écoutes les paroles de Tower : Just A Light from a Tower, Burning on from dusk to dawn (Juste une lumière qui s’élève de la Tour, brûlant du crépuscule à l’aube…). Nous avons eu une sorte de vision prémonitoire. C’est triste bien sûr ! Notre Dame exerce une fascination et une attraction universelle. Nous étions en tournée et j’ai entendu l’information à la radio alors que je me trouvais dans ma voiture. La situation empirait d’heure en heure. J’ai été profondément ému en voyant les images terribles de la Flèche entrain de  s’effondrer. J’ai toujours du mal à comprendre l’origine de cet incendie. 

    Casablanca a déployé les grands moyens en finançant l’une des créations musicales les plus spectaculaires. C’était David Copperfield à la sauce hard rock.

    Frank : Le show était gigantesque en effet. Un logo de douze pieds (+/- 4m) représentant l’archange Gabriel s’élevait dans les airs au son de la musique de Ben-Hur, ouvrait les yeux et s’adressait à la foule (Note : la voix de l’acteur Marvin Miller). Des tours transparentes se matérialisaient puis s’illuminaient laissant apparaître à l’intérieur chacun des membres du groupe. Les illusions étaient bluffantes. A la fin du concert, nous devions nous diriger vers la pochette de l’album installée sur une plateforme qui montait avant de se désintégrer dans un déluge d’artifices, donnant l’illusion que le groupe s’était évaporé. Rien n’était improvisé, nous devions être synchro. Pour cela, nous avons intensément travaillé avec des illusionnistes d’Hollywood. La console digitale que Gregg Giuffria utilisait pour quitter son blockhaus de claviers était aussi quelque chose d’inédit. Il existe malheureusement très peu d’archives sur les premières années du groupe. A l’époque les caméras étaient énormes et tu ne pouvais pas entrer dans une salle de spectacle comme on le fait aujourd’hui avec un smartphone. Même les appareils photos étaient interdits. Ils étaient  retirés lors de la fouille à l'entrée ou dans la salle. Il y a bien quelques images 8mm filmées par des fans qui circulent mais pas vraiment de documents officiels si ce n’est quelques émissions télés. Je sais que Casablanca a enregistré notre show à Cleveland mais personne ne sait où sont passées les bandes. Après ce concert, nous sommes rentrés à Los Angeles pour réaliser des prises de vue dans un studio d’enregistrement pour le film Angel At Midnight mais une fois encore les vidéos sont introuvables.

    ANGEL : DiMino et Farrow

    Le groupe a reçu des critiques positives de la part de la presse spécialisée dans le monde entier, vous avez obtenu le prix très convoité de meilleur groupe de l’année 1976, les salles étaient bondées aux Etats-Unis et pourtant, vous n’avez jamais eu le succès que vous méritiez en terme de vente d’albums faute de passage en radio.

    Frank : Le destin nous a malheureusement pas toujours été favorable. Aujourd’hui encore, je m’interroge sur les raisons de ce rendez-vous manqué. Nous avons tout fait pour nous rapprocher au plus près du soleil du succès. Nous avons évolué d’un rock progressif et sans concession vers un univers plus proche du sacro saint hit parade, sans doute à cause de la pression mise sur nos épaules par notre label, mais je n’ai aucun regret sur le travail accompli durant les six premières années. Si je devais remonter le temps, je ne changerais rien. On a vécu des montagnes russes émotionnelles avec ce tremplin, et l’aboutissement fut au-delà de tout ce que l’on pouvait espérer. Angel a changé notre vie. Le groupe s’est investi à 100% aussi bien dans les répétitions, la composition, le travail en studio, le light-show. Cela reste une aventure inoubliable. L’absence de soutien des radios ne nous a tout simplement pas permis de nous faire une place sous les projecteurs. Nous étions sur un jeune label indépendant qui était surtout lié à la scène disco avec des  artistes comme Donna Summer ou Village People. Aucun groupe de Casablanca Records n’était diffusé sur les chaînes « rock » ni mentionné par les magazines comme Rolling Stones. Seul Creem, un journal musical mensuel moins prestigieux mais surtout moins prétentieux, nous a accordé plusieurs pages.

    Punky : Il n’y avait pas non plus de place pour la musique progressive sur les radios. Fleetwood Mac et Peter Frampton dominaient les ondes avec un rock grand public. Nous n’avons jamais basé nos chansons sur des tubes mais bien sur des albums à l‘instar de Led Zeppelin ou de Kiss qui a dû attendre la ballade « Beth » (1976) pour que les airplays lui soient enfin accordés ainsi que les unes des magazines.

    Frank : Le Web a institué de nouvelles pratiques d’écoute de la musique qui ne passe plus obligatoirement par les radios. Les réseaux sociaux sont devenus des médias de masse. Nous n’avions pas la même accessibilité à l’époque.

     

    Le grand public n’a pas acheté vos albums dans les années ’70 mais Angel est aujourd’hui devenu un groupe culte auprès de la presse et des musiciens.

    Frank : Pour un groupe connu de son vivant, il y a toujours un passage dans un purgatoire et, lorsqu’il est redécouvert, on utilise effectivement le mot culte. La mythologie autour d’Angel et notre attitude scénique ont contribué à cette légende.

    Avez-vous été approché par les producteurs du biopic Spinning Gold qui retrace la carrière de Neil Bogart, le patron de Casablanca ?

    Punky : Non ! Nous ne savons pas si le groupe figure dans le script. Le fils de Bogart a dit avoir acquis les droits d’utilisation de plusieurs grands succès de Kiss, Donna Summer, Village People et Parliament (Note : le groupe de George Clinton) mais il ne nous a pas contactés.  J’espère qu’au moins une de nos chansons figurera sur la bande-originale. Si l’on considère juste nos ventes, n’importe quelle maison de disques nous aurait probablement jetés ! Mas pas Casablanca. Neil préférait continuer avec nous. Il voulait faire d’Angel une machine aussi puissante que Kiss. C’était son obsession. Travailler avec lui ne fut pas de tout repos mais c’était un visionnaire et une personne drôle et loyale qui savait instaurer un climat familial. Nous avons été très accablés par son décès en 1982.

    Angel - Punky Meadows and Steve Ojane

    Le premier album, l’éponyme Angel sorti en 1975 est un mélange de rock « classique » avec des éléments de rock progressif. Pour la première fois, les claviers, du mellotron aux synthés, ont fait leur entrée dans le monde du métal lourd.

    Notre premier disque peut effectivement être classé dans la catégorie rock progressif. On a composé la majorité des morceaux de l’album dans un local de répétition situé à l’étage du Bogeys, à Washington DC. Nous les avons ensuite joués pour la première fois en public dans ce nightclub. Le travail a été intensif. Angel est sans aucun doute l’enregistrement le plus progressif de notre catalogue. Une chanson comme « Long Time » qui dure plus de sept minutes a été diffusée de façon inattendue à la radio. « Tower » et « Rock and Rollers » sont toutefois les plages dont on est le plus fier, elles nous ont permis de réunir une solide base de fans aux Etats-Unis.

    Helluva Band, votre deuxième opus est déjà plus contrasté avec le délicat « Feelings » et aussi plus agressif avec le bouillonnant « Feelin’ Right ». Ce fut d’ailleurs l’un des meilleurs albums de 1976.

    Frank : Comme nous étions en tournée pour soutenir le premier disque, nous avons passé moins de temps en studio. Helluva Band et donc plus viscéral. Nous avons approfondi les trouvailles sur le morceau symphonique « The Fortune ». On voulait en tirer la quintessence et ainsi montrer qu’Angel c’était du sérieux.  Les autres chansons ont certainement souffert de cette recherche de la perfection.  Nous avons travaillé avec la même équipe que pour le premier album.   

    Pour On Earth As It is In Heaven, Casablance a fait appel au génial Eddie Kramer, le célèbre producteur des Electric Lady studios de New York.

    Frank : Eddie est une légende. Il peut se vanter d'avoir travaillé avec les plus grands, les Beatles, les Rolling Stones, Hendrix, Bowie, Led Zep, Clapton, Kiss… A l’origine nous devions réaliser l’album au Record Plant mais il était déjà pris par Stevie Wonder tandis que le studio mobile était loué au même moment. Gary Kellgren, le patron du studio nous a proposé d’occuper son manoir sur les collines d’Hollywood où s’est déroulé le tournage du film le magicien d’Oz. Chaque instrument a été enregistré dans de conditions particulières. Toutes les pièces étaient truffées de micros. Les bases des morceaux ont été capturées dans le salon d’entrée. Nous avons aussi utilisé une petite salle ronde pour la voix de « Telephone Exchange ». La batterie a été installée dans une cuisine au rez-de-chaussée. La méthode était à la fois amusante et très intéressante. Le mixage de « Sur terre comme au paradis » a été réalisé avec Eddie à New York. En dix-huit mois, nous avions mis en boîte trois albums, ce qui est impensable aujourd’hui. 

    J’ai récemment trouvé sur Internet un bootleg de votre concert à Hiroshima, le 7 février 1977. Cette unique tournée au Japon a été un triomphe.

    Punky : On était des dieux vivants là-bas à l’instar des Beatles, de Kiss ou de Cheap Trick. Les gens voulaient nous toucher, arracher une mèche de cheveux ou un vêtement, tout ce qui pouvait leur servir de reliques. Il existe des photos où l’on voit chaque membre escorté par cinq gardes du corps en train de courir à travers des meutes de fans. La foule était hystérique. Je n’avais jamais connu cela auparavant. Nous avons joué deux soirs à guichets fermés au célèbre Budokan, à Tokyo. Cela reste une expérience fascinante et excitante.   

    White Hot marque un virage vers une musique plus pop, plus à la portée des teenagers.

    Frank : Une véritable Angelmania se propageait chez les 16-17 ans à travers les States et notre fan-club a vu le jour (Angel Earth Force) sur le modèle de la Kiss Army.  Il y a donc eu un peu plus de pression de la part de la maison de disque pour écrire des chansons aguichantes, plus accessibles mais nous n’avons pas pour autant perdu de notre fureur. On est parvenu à glisser dans un morceau deux ou trois mélodies qui accrochent  ou une attaque de solo jouée en harmonie. Sur les deux premiers albums, Punky, Gregg et moi avons écrit la majorité des morceaux. Nous étions les derniers à  arriver au studio ou à sortir des répétitions. L’un apportait le riff, un autre la mélodie et le troisième les paroles. Il y avait une extraordinaire complémentarité entre nous trois. Pour White Hot, nous avons commencé à composer séparément. J’ai écrit « Don’t Leave Me Lonely » avec Barry et  d’autres titres avec Punky. Il n’y avait plus nécessairement la combinaison des trois. Par ailleurs, les ingénieurs qui ont collaboré à cet album, nous ont aidé à pollisser notre son, avec succès je pense.

    Angel - Charly Calv

    « Ain’t Gonna Eat Out My Heart Anymore » la reprise des Young Rascals est d’ailleurs entrée dans le top 50 aux USA tandis que le morceau « The Winter Song » a bien marché en Europe et au Japon…

    Frank : « The Winter Song » s’appelait à l’origine « The Christmas Song ». Cette chanson ne devait pas figurer sur l’album. C’était un titre bonus pour les fans et les stations radios pendant la période de Noël mais les responsables de Casablanca ont adoré la chanson et nous ont demandés de l’inclure sur le disque et d’en faire le titre phare pour des raisons commerciales. Trente-six enfants d’un ensemble vocal de Californie nous ont accompagnés en studio. « Better Days » a été retiré de l’album et s’est retrouvé en face B du 45t. Opposé à cette idée au départ, j’ai finalement accepté de réécrire les paroles et de réenregistrer ma voix. Nous avons joué « The Winter Songs » en direct dans l’émission de Dick Clark « American Banstand » pour notre première télé nationale. La version originale se trouve sur une anthologie. Nous avons aussi donné deux chansons pour la bande-originale du teen movie Foxes (Ça plane, les filles !) en 1980 dont le disco « 21st Century Foxes » qui n’a malheureusement pas eu le couronnement planétaire d’ « I Was Made For Loving You » grâce auquel Kiss connut les ivresses du tube de l’été pleine vague disco quelques mois plus tard.

    Au cours de la tournée Heaven & Hell en 1978 qui a été enregistrée pour le double-album live Without A Net, vous avez été impliqué dans une bagarre homérique au Sport Arena de San Diego, le 7 mai 1978. Que s’est-il passé exactement ?

    Punky : Nous étions en plein milieu du concert et l’ambiance était excellente. Frank a alors demandé au public de se rapprocher de la scène. Aussitôt trois à quatre mille adolescents se sont miss debout. Dans cette salle, les règles étaient strictes. Les spectateurs ne pouvaient pas quitter leur siège. Les membres de la sécurité n’ont pas apprécié et ils ont commencé à malmener tous ceux qui leur tombaient sous la main. En se dirigeant vers le devant de la scène, Frankie s’est rendu compte que les vigiles frappaient violemment les kids. Il a demandé à un garde qui s’en prenait à une gamine de 14 ans, de la laisser tranquille. Le type très énervé lui a montré son index et a voulu attraper le pied de micro. Bang ! Frankie lui a envoyé celui-ci en pleine face. Le type a commencé à saigner et est entré dans une rage folle. Une énorme bagarre a éclaté devant la foule. Steve Brooks, un roadie, s’est jeté dans la fosse. J’ai suivi le mouvement tandis que Felix faisaient tournoyer sa basse au-dessus de sa tête. Barry lui a continué à jouer impassiblement. La lumière s’est rallumée au moment où nous sommes remontés sur scène. Personne n’était blessé. Nous avons eu le temps d’interpréter un dernier morceau avant la fermeture totale du courant mais il y avait toujours de l’adrénaline dans la salle. Le public continuait à siffler les vigiles zélés. Le garde qui nous a provoqués a rameuté plusieurs de ses collègues pour une nouvelle baston. Le groupe et les techniciens se sont regroupés autour de Frankie, puis nous nous sommes dirigés vers les loges, escortés par les membres de The Godz, la formation qui ouvrait nos concerts. Cela ne s’invente pas, les Dieux étaient venus à la rescousse des Anges (rires). Frankie est finalement revenu sur scène et il a demandé aux fans de rentrer calmement chez eux. Les esprits se sont aussitôt calmés. Pour les autres concerts de la tournée, un cordon de sécurité a été mis en place par la police pour contenir la foule.

    Sinful marie parfaitement le rock de Styx avec le hard FM des années ’80. Vous avez ouvert la voie à un nombre considérable de groupes, Poison, Warrant, Winger. Ce fut également votre dernier disque pour Casablanca. 

    Frank : Nous avons effectivement créé un pont entre ces deux décennies. Tous ces groupes que tu cites sont excellents. (rires) Le titre à l’origine devait être Bad Publicity. C’était de l’autodérision car l’artwork montrait le groupe faisant la fête avec des filles mais Neil Bogart s’y est opposé. Toutes les premières éditions ont été retirées de la vente et remplacées par une couverture  plus soft. Sur cette dernière, on voit le groupe en tenue de scène. C’était ça l’image d’Angel pour les responsables de Casablanca et pas celle d’une formation qui picole avec des groupies. Nous avons été déçus par ce manque de liberté artistique. Je pense surtout que ce fut une erreur de stratégie puisque contrairement à nos autre disques, Sinful n’a pas atteint le top 100 US alors que sa pochette originale est très recherchée par les collectionneurs.                                                                                                   Danny : Au moment de la sortie de Sinful, Casablanca était entrain de s’écrouler. Il n’y avait plus d’argent pour la promotion de l’album. Il n’y a eu aucun abattage publicitaire alors que ce disque avait un énorme potentiel. Angel était déjà une étoile montante du hard-rock américain mais il aurait pu hausser encore sa côte. Avec l’avènement du clip  et de MTV, le groupe aurait fait un carton, j’en suis convaincu. Il a malheureusement quitté la scène deux ans trop tôt.

    Angel - Billy Orrico

    Aujourd’hui comment analysez-vous In The Beginning, le premier disque sans le line-up original, sorti en 1999 ?

    Frank : J’ai composé les chansons de In The Begining avec Barry (Brandt). Après la séparation du line-up originel, nous avons continué à travailler ensemble, en studio mais aussi sur scène en compagnie d’un ami commun, le guitariste/claviériste Ritchie Marcello. Nous avons hésité à enregistrer ce disque sous le nom d’Angel. J’ai contacté Punky et les autres pour leur expliquer notre projet et ceux-ci se sont montrés très favorables. Avec le recul, nous n’aurions pas dû présenter In The Begining comme un album d’Angel même si Punky et Félix jouent sur quelques morceaux. Sur le plan personnel, je trouve ce disque intéressant.  

    Que pensez-vous du livre On A Wing And A Prayer With Angel, une sorte de biographie du groupe écrite par un ancien membre, Gordon G.G. Gebert ? 

    Punky : Nous n’avons rien à voir avec ce livre.

    Frank : Gordon fut un membre éphémère d’Angel (Note : claviériste de 1999 à 2002). Nous n’avons ni autorisé, ni participé à cet ouvrage. Je ne peux rien te dire sur son contenu car je ne l’ai pas lu.

    Pour conclure, comment s’annonce le futur d’Angel ?

    Punky : Nous comptons revenir en Europe au printemps 2020. On devrait aussi participer à quelques festivals durant l’été. Au mois de février nous jouerons en Australie, ensuite il y aura quelques dates au Japon. C’est un nouveau chapitre dans l’histoire d’Angel qui commence. Je suppose que l’on avisera ensuite mais j’espère que nous ferons encore un album, et ça ne devrait pas prendre 20 ans cette fois. (Rires)

    ANGEL Risen

     ANGEL

    Risen

    Cleopatra Records

    En tant que groupe de hard-rock esthétique, Angel était clairement en avance sur les autres dans les seventies. Des instrumentistes virtuoses, un chanteur de premier plan, des compositions, tout y était ! Pour ce come-back, le groupe n’a pas joué la carte de la modernité même si la proportion accordée aux claviers est nettement plus modérée que durant la période Greg Giuffria. Hard-rock de grande facture (« Slow Down » peut-être rapproché de Led Zep, l’excellent riff de « Punky’s Couch Blues » fait penser à AC/DC et « Tell Me Why » est tout simplement beatlesque), rock mainstream US (« Under The Gun », « Don’t Want You »), ballade bubblegum (« IOU »), morceau mid-tempo (« Turn Around ») et bien sûr hard progressif (« 1975 », « Revolution » ou « My Sanctuary »), Angel ne réécrit pas les tables de la loi du genre, mais s’applique à les mettre en œuvre pour offrir une musique de qualité bien produite avec un Frank DiMino exceptionnel qui sait donner du feeling à chaque chanson. Le flamboyant Punky Meadows, lui, renoue avec le jeu lourd, hérissé et virtuose de la grande époque. Il  n’est plus l’ange déchu, celui  qui avait raté les marches de l’élysée en refusant le poste laissé vacant par Ace Frehley au sein de Kiss en 1982. Plaisant et indéniablement accrocheur, Risen est le disque parfait pour rattraper le temps perdu ou tout simplement découvrir ce groupe culte. [Ph. Saintes]

      

     

    2 commentaires
  •  LEE AARON

    Nouveau Règne

     

    Premier album en public pour la chanteuse canadienne. Le CD/DVD  Power, Soul, Rock N' Roll met en valeur la puissance vocale et l’énergie scénique de l'artiste. Dans une forme éblouissante, Lee  a en effet renoué avec le hard accrocheur et le blues rock lors de cette tournée estivale de 2017 en Allemagne. La Metal Queen a récupéré son trône de fer pour le plus grand bonheur de ses loyaux et fidèles sujets. [Entretien avec Lee Aaron (chant) par Philippe Saintes – photos : DR] 

      

     Lee Aaron

     

    As-tu choisi les morceaux en pensant à une rétrospective de ta carrière de rockeuse ?

    Absolument. Je voulais faire une sorte de greatest hits en mélangeant les chansons incontournables comme « Metal Queen » ou « Powerline » avec des titres plus récents et même inédits (Note : la tournée précédait la sortie de l’album Diamond Baby Blues) pour montrer que nous n’étions pas un groupe aux allures nostalgiques. Il existe un DVD live filmé en Suède (2012) et un autre plus ancien capté à Londres (2005) mais il s’agit de mon tout premier album en public. Une société de production allemande (Little-Guitar-Slinger) nous a proposé de réaliser la captation gratuitement à l’occasion du Bang Your Head Festival (2017). Nous nous sommes juste chargés du mixage. Power, Soul, Rock N' Roll a été filmé en très haute définition car aujourd’hui tu peux trouver les performances de tous les artistes sur Internet. En matière d’images, il y a souvent du très mauvais sur les plateformes d’hébergement de vidéos. Jack White et son groupe The Raconteurs ont en exigé qu’aucun smartphone ne soit sorti durant la durée de leur prestation. Un dispositif a même été installé à l’entrée pour mettre sous scellé tous les téléphones. Je trouve que c’est une excellente idée pour empêcher les gens de filmer parce que cela casse la communication entre les musiciens et le public. Certains ne suivent plus le concert en direct mais à travers leur application.

     

    Un mot sur les musiciens qui t’accompagnent en tournée depuis plusieurs années.

    Nous formons un véritable collectif aussi bien en studio que sur scène. C’est mon objectif de garder le même un line-up car la cohésion musicale est indéniable. John Cody est mon batteur depuis près de 20 ans, c’est aussi mon mari et le père des mes enfants. Dave Reimer (bassiste) est avec nous depuis quinze ans et le petit dernier, Sean Kelly (Helix, Four By Fate) a rejoint le groupe, il y a six ans maintenant. Nous recherchions à l’époque un soliste ayant l’esprit d’équipe. Cela fait partie de l’ADN de Sean qui est non seulement un brillant guitariste mais aussi un excellent compositeur.

    Lee Aaron band

    Tu joues désormais de la guitare rythmique sur scène.

     

    Oui, j’utilise une Stratocaster en tournée. Je ne suis pas une grande guitariste mais j’ai une bonne perception du rythme et un bon timing. Je compose d’ailleurs à la guitare. Après la tournée de 2017 en Europe, nous avons décidé de nous passer du claviériste. J’en ai profité pour jouer de la guitare rythmique. Je m’installe aussi au piano sur « Barely Holdin On ». Je trouve que le groupe sonne mieux dans une formule à quatre. 

     

    Es-tu satisfaite des ventes de Diamond Baby Blues (2018) malgré l’absence de diffusion sur les radios musicales ?

     

    Je ne sais pas comment cela se passe chez vous en Europe mais ici en Amérique du Nord, les artistes qui ont une carrière de plus de 20 ans ne sont plus diffusés. Vu de l'extérieur, ça peut sembler grotesque. Le dernier album de Bryan Adams et celui de Bruce Springsteen ne se sont pas retrouvés dans les playlists, alors tu penses bien, les nouvelles chansons de Lee Aaron n’ont aucune chance d’être programmées sur les stations commerciales. Aujourd’hui vous devez créer vos propres vidéos, profiter de YouTube ou des services de musique en streaming comme Spotify pour la diffusion. Le format physique de Fire And Gasoline s’est relativement bien vendu et selon la direction du label (Metalville Records) nous avons vendu deux fois plus de copies de Diamond Baby Blues en Europe. Je ne peux donc pas me plaindre.

    Lee aaron2

     

    Peux-tu nous donner des informations sur le prochain album studio.

     

    Nous avons réalisé une séance de compositions au mois d’avril à Vancouver. Cet enregistrement est différent. Pour les deux albums précédents, on s’envoyait des fichiers par e-mail. Cette fois, nous avons travaillé à « l’ancienne » en studio. Pendant que le groupe se lançait dans une séance de jam, je prenais le micro et commençais à chanter. C’était vraiment la musique qui nous dirigeait. Je veux que cet album dégage l’énergie des premiers disques de Led Zeppelin ou d’Appetite For Destruction des Guns N 'Roses, avec un son brut et live. Il n’a pas encore de titre mais je peux déjà te parler de quelques chansons.  « Devil’s Gold » évoque le côté matérialiste gens et notamment le côté addictif des réseaux sociaux sur de nombreux jeunes tandis que « Great Big Love » raconte l’histoire de deux personnes que tout oppose mais qui s’aiment. L’amour ne s’arrête pas aux différences, c’est en substance le message. Ma fille de quinze ans, que l’on peut voir dans les vidéos de « Tom Boy » et « American High », a une magnifique voix. Je souhaite l’inviter sur ce disque dont la sortie est prévue en 2020.

     

    Il paraît que toi et ton mai John, possédez une impressionnante collection de vinyles et de disques compacts.

     

    Oui, on a plus d’un quart de million de vinyles à la maison et environ cinquante mille CD. C’est vraiment dingue. (Rires)

      Lee Aaron Live

     LEE AARON

     Power, Soul and Rock'n'Roll

    Metalville Records

    Lee Aaron, toujours aussi splendide à 57 ans, publie un premier album live et nous procure beaucoup de plaisir. Au-delà des hymnes emblématiques comme « Metal Queen » et « Powerline », la chanteuse canadienne nous fait découvrir des morceaux des deux derniers albums qui sont tout aussi intéressants à commencer par le tonique « Tom Boy » (une chanson ironique sur les femmes s’inquiétant de leur âge et de leur aspect)  ou le bluesy « Diamond Baby », déjà remarquable en studio mais qui prend ici une toute autre dimension. Si on apprécie la poignante ballade « Barely Holdin On », le sommet du show reste la version époustouflante de « Mistreated » (Deep Purple) ou encore la reprise de Koko Taylor « I’m A Woman » - un pastiche du « I’m A Man » de Muddy Waters, sur lequel Lee sort les griffes. Derrière sa voix énergique, les musiciens font feu de tout bois si bien que les concerts donnés en plein air devant 20.000 personnes à Balingen et dans un club bondé à Nuremberg, explosent en une énergie brut. La reine du rock’n’roll est de retour ! En voici la preuve… [Ph. Saintes]   

     

    Retrouvez cet article dans Classic Obs' #4 (octobre-novembre 2019)

     

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