• LYNCH MOB : l'interview de George Lynch

    LYNCH MOB 

      Une année métallique

    Artiste sans langue de bois, George Lynch fait partie de ces figures qui ont contribué à l’histoire du hard-rock. Technicien émérite, il produit des performances volcaniques et fougueuses inscrites dans la mouvance d’un certain Eddie Van Halen. Sa sensibilité et son sens de la musicalité lui permettent par ailleurs de produire chaque année des albums où il s’exprime dans de nombreux idiomes. Ce fut encore le cas en 2023. [Entretien avec George Lynch, guitare par Philippe Saintes – Photos : Frances Axsmith et Enzo Mazzeo]

     George Lynch - Promo 2023

    Tu as sorti au début de l’année un album de rock industriel sous le nom The Banishment. Cela a surpris de nombreux fans et pourtant cet enregistrement téméraire témoigne de ta volonté de ne pas rester enfermé dans un seul style.  

    J’avais espéré que cet album suscite l’enthousiasme auprès de la majorité mais j’ai été invalidé par la réponse de la critique. J’avais déjà connu ça dans le passé avec Smoke This (Lynch Mob) et The Infidels. Dans un sens, si je sors des sentiers battus, c'est avant tout pour moi par pour quelqu'un d'autre. Il y a une part d’égoïsme, je l’avoue. Vous ne voudriez pas voir AC DC ou Judas Priest et Van Halen devenir quelque chose de différent. Ce serait inacceptable pour la plupart des fans. Dans mon cas, j'aurais pu continuer à faire les mêmes choses musicalement toute ma vie. Je ne sais pas pourquoi mais on m’a enfermé dans un certain style. Je suis catalogué. Je veux dire par là que si je sors un disque avec un son années 80, les gens l'aimeront et il sera jugé crédible mais, je vois les choses différemment, mes priorités ne sont plus les mêmes. Je veux évidement satisfaire mon public, lui donner ce qu’il veut mais, à un moment donné, artistiquement parlant j'ai besoin d'exprimer mon art et de ne pas toujours être dépendant d’un auditoire. Dans un sens, si je sors des sentiers battus, c'est avant tout pour moi par pour quelqu'un d'autre. Il y a une part d’égoïsme, je l’avoue. En dehors de mes enregistrements habituels, je travaille sur des projets parallèles pour des labels indépendants et je me régale. Cela va du métal progressif à des sonorités pop ou même du hip hop. En fait, j'aime encore mieux faire ce genre de choses que faire mes propres albums parce que personne ne me condamne ou ne me critique pour la simple et bonne raison que ces musiques restent assez confidentiels. Je trouve ça très gratifiant d'atteindre un public qui ne serait généralement pas immergé dans la musique de George Lynch.

    Heart Of Sacrifice, la troisième galette du duo Sweet-Lynch a eu son petit succès au printemps dernier. Quelle est ta véritable relation avec Michael Sweet (Stryper) en sachant que vous avez des idées philosophiques opposées.  

    C’est avant tout un ami. Nous nous nous sommes beaucoup amusés sur Heart Of Sacrifice. Michael est un fervent chrétien alors que moi, je suis humaniste en matière de morale mais pas du tout de spiritualité. Cela a donné lieu à de nombreuses interactions amicales et à des conversations animées. L’idée de départ étaient d’ailleurs de réaliser une album concept sur nos expériences philosophiques. Nous avions convenu de le faire, mais le problème est apparu lorsque j'ai réalisé que je ne pouvais pas demander à Michael de chanter mon point de vue parce que cela aurait été hypocrite de sa part. Il n’allait tout de même pas vendre son âme au diable (rires).

    En fait, je l'ai fait une fois dans ma vie avec la musique du documentaire Shadowtrain. Le chanteur était croyant et il a essayé de changer au maximum les paroles que j’avais écrites pour en faire passer un message chrétien, ce à quoi j'étais opposé parce que ce n'était pas le but du projet. J’avais composé quelques chansons qui étaient tout à fait à l'opposé de ce qu'il voulait interpréter et ça le dérangeait beaucoup et moi ça m’embêtait de lui demander de faire quelque chose contre nature. Je pense que cela sonnait faux. C’était vraiment une chose merdique à faire. 

    Sweet & Lynch 2023

    J’ai apprécié Heavy Hitters II, un album de reprises de tubes pop et rock réalisé avec ton complice de toujours Jeff Pilson (Foreigner, The End Machine, Black Swan, ex-Dokken). Ce dernier semble avoir de nombreux points communs avec Michael Sweet.

    Eh bien, ce sont des artistes merveilleux, transparents, honnêtes et travailleurs. Je les adore ! Ils connaissent toutes les arcanes du business musical et sont multitâches. J’ai même surnommé Jeff le couteau suisse. Quand vous êtes en studio avec lui lors d’une séance d’écriture, il joue de tous les instruments et chante. Jeff est musicien de formation alors que je ne connais rien du tout à la théorie. Il sait tout sur la musique et c'est un ingénieur fantastique. Je ressens la même chose à propos de Michael pour avoir travaillé avec lui.  

    Tu as sorti la grosse artillerie pour l’enregistrement de Guitars At The End Of The World (Gibson Les Paul, Fender, Charvel, Esp Tiger,…), ton deuxième disque instrumental. As-tu des idées préconçues pour la création d’un riff ou d’un solo ou est-ce un processus plus organique ? 

    Je n’ai jamais eu envie d’écrire quelque chose à l’avance et de l’apporter en studio. La seule exception est le solo de « Tooth and Nail » (Dokken) que j'avais élaboré à l'avance avec Geoff Workman il y a longtemps. J'ai écrit la plupart de mes chansons pendant les enregistrements des albums. Concrètement, j’emmène avec moi en studio mon ingé-son qui a en charge la programmation de la batterie, et nous construisons ensemble les musiques. A la fin de la journée, on doit avoir terminé une chanson. C’est la règle. L’ingénieur s’occupe des boucles de batterie et de basse pendant que je me charge des parties de claviers et de guitares ainsi que des extras.  

    George Lynch/Lynch Mob - Promo 2023

    N’as-tu jamais eu l’idée de fonctionner en solo à l’instar des Walter Trout, Gary Moore, Steve Vai, Joe Bonamassa, Joe Satrani, Pat Travers,…? 

    Non, ça ne m'a vraiment jamais intéressé parce que je suis un fan de groupes et j'adore jouer au sein d’une formation. Les musiciens qui m’accompagnent sont mes amis et ma deuxième famille. J'ai toujours aimé la camaraderie et les liens qui unissent les membres d’un groupe. Nous travaillons ensemble et réalisons quelque chose d’unique. Nous partageons aussi les bons et les moins bons moments en tournée.  On ressent quelque chose d’unique après la réalisation d’un disque.  J'adore ce sentiment et je ne veux pas le faire seul. Je me sens très bien ainsi.  Je suis en quelque sorte le chef du groupe et j'écris la musique, la partie instrumentale mais chaque membre a un rôle important.   

    Peux-tu nous présenter les deux petits nouveaux au sein de Lynch Mob ? 

    Jaron Gulino qui est maintenant le bassiste de Lynch Mob, gère les affaires quotidiennes presque comme un tour manager et même comme un manager. Il traite directement avec les promoteurs en ce qui concerne la logistique et le planning. Il a aussi en charge tout ce qui concerne le merchandising. Jaron m'a dit un jour que sa mission était de jouer de la basse dans Lynch Mob. C’est une aspiration étrange, mais louable, je suppose. Il me fait penser à mon ancien acolyte Anthony Esposito, qui aimait traîner avec les fans après chaque concert. C’est un gars vraiment très sympathique et un excellent musicien. Il s’est révélé être le remplaçant idéal de Rob De Luca qui a dû partir en tournée avec UFO en Europe. Gabriel Colón (chant) m’avait été recommandé par plusieurs personnes, mais pour une raison qui m’échappe je n’ai pas immédiatement prêté attention à lui, me focalisant sur d’autres chanteurs. Gabriel est plus introverti que Jaron. La majeure partie de son histoire est liée à la musique métal. Il est venu un jour chez moi en Californie du Sud. Tout le groupe était présent. Nous avons sorti les guitares acoustiques et entamé une jam pendant quelques heures et c'était magique. Et encore une fois, c'est une personne très douce, timide, pas un chanteur sous LSD (Rires). 

    Gabriel Colon/Lynch Mob

    Nous sommes tous très à l'aise ensemble. On s'éclate, on s’amuse, on travaille dur et on prend du plaisir sur scène, en particulier Gabriel, qui est selon moi un garçon unique. On découvre derrière cette personnalité très calme et timide, une bête de scène. Je veux garder avec moi ce line-up jusqu’en mars 2025. Ensuite ce sera la fin de l’aventure de Lynch Mob. Nous effectuerons probablement notre dernière grande tournée avec l’album Babylon. 

    Quelle importance accordes-tu à travailler avec de nouveaux talents comme Dino Jelusić et Gabriel Colon ? 

    Je suis davantage fan des chanteurs que des guitaristes. Je n’écoute d’ailleurs pas beaucoup d’albums de guitares. C’est la raison pour laquelle je travaille avec différents vocalistes. Le chant est selon moi l’instrument le plus pur. Il transmet directement les émotions du cerveau et du cœur vers l'oreille d'une autre personne, sans qu'un instrument physique n’interfère. Je pense que les instruments sont juste une émulation de la voix et de la batterie. Je créée souvent des chansons avec de tempos et de rythmes compliqués en utilisant simplement ma bouche. Celle-ci fait office de boîte à rythme. C’est comme ça que j'imagine un solo. J'utilise mes dents pour créer des beats. En fait, je fais ça depuis que je suis petit, ce qui m’occasionne des douleurs ridicules à la mâchoire et des maux de tête mais voilà, j’ai une batterie dans ma bouche (Rires). Et puis, Aretha Franklin vit dans ma tête. C’est la plus grande chanteuse de la planète. Donc, je ne joue pas pour le plaisir de la guitare, je joue pour le chant car c’est ce qui intéresse la plupart des gens. Ainsi, quand je lance dans un nouveau projet ou monte un nouveau groupe, la priorité numéro un est le chanteur. Je pense évidemment à Loni Logan, Doug Pinnick, Cory Glover, Michael Sweet, Bernard Fowler, Robert Mason, Dino Jelusić sans oublier Don Dokken. On dit beaucoup de chose à propos de Don et de ses capacités vocales à mesure qu'il vieillit, mais c'est un très bon parolier et un poète à certains égards. Ce sont des aspects importants pour moi. 

    « Nous effectuerons probablement notre dernière grande tournée avec l’album Babylon. » 

    Pour Babylon, avez-vous travaillé tous ensemble en studio ou selon les normes actuelles, à distance ?

    Tout s'est fait à distance, numériquement avec Pro Tools. J'ai évidemment à la maison, comme on peut s'y attendre, un studio centré sur la guitare avec une utilisation mixte de l’analogique et du numérique. J’ai mis 25 ans à le monter pour obtenir exactement ce que je voulais. Si l’on travaille à distance, c’est juste par nécessité parce que nous vivons dans des endroits éloignés et les budgets sont ce qu'ils sont aujourd’hui. Les séances de compositions se font toujours en présentiel. Nous nous réunissons toujours pour écrire et enregistrer les morceaux en temps réel et c'est plutôt cool.

    Et quels sont les futurs projets pour assouvir ta boulimie musicale ?  

    J'ai un contrat pour enregistrer un autre album de Dirty Shirley, mais je ne suis pas certain de le faire. Il y a des discussions en cours concernant un nouveau vocaliste. Sans Dino (Jelusić), je ne sais pas si cela a beaucoup de sens. Le troisième enregistrement de The End Machine est terminé et il sortira au début de l'année prochaine avec Girish Pradhan, un chanteur indien qui remplace Robert Mason. Cet artiste est époustouflant, tu verras ! Cet album atomise les deux précédents. Jeff (Pilson) et moi en sommes très fiers. Pour le moment, je compose déjà le 4è disque de Sweet-Lynch. Bref, j’ai de quoi justifier mes neuf heures syndicales par jour (rires). 

    Une interview à retrouver dans : Metal Obs' Janvier-Avril 2024

     Lynch Mob : Babylon Cover

    LYNCH MOB

     Hard Rock

     Frontiers Records 

    Un cran en-dessous du 3è album de Sweet-Lynch sorti également cette année sur le label Frontiers, Babylon reçoit néanmoins de notre part la mention « bien ». George Lynch semblait avoir tiré un trait définitif sur le nom Lynch Mob mais il s’est ravisé pour ce qui sera, sans doute, un dernier baroud d’honneur. Les quatre complices entretiennent des retours de flamme envoutants et un feu de camp ravageur dans la lignée de l’album éponyme sorti en 1992. Lynch préfère en effet jouer la carte d'un collectif assumé et laisser quand il le faut ses compagnons s'exprimer rendant ce skeud à la fois solide et intéressant. Même si la tessiture de Gabriel Colón est assez éloignée de ses prédécesseurs Oni Logan, Robert Mason ou Andrew Freeman, le jeune portoricain assure et rassure. A la fois exigeant et porteur d’une clarté mélodique, Babylon suscitera le plaisir chez les fans de Mr. Scary ! Signalons encore que la pochette avec son esprit baroque est tout simplement sublime. [Philippe Saintes]

     


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