• THE END MACHINE : l'interview de George Lynch

     THE END MACHINE

     Une machine à remonter le temps

    Deux ans après un premier album éponyme résolument varié et moderne, The End Machine revient aux fondamentaux avec un hard-rock simple et efficace. Nous nous sommes entretenus avec son maestro sur le processus de compositions de ce deuxième volume, le remplacement du batteur ‘Wild Mick’ Brown par son frère, ainsi que les thèmes véhiculés au sein des compositions du quatuor. Nous avons également pu questionner ‘Mr. Scary’ sur ses projets personnels. [Entretien avec George Lynch (guitare) par Philippe Saintes  - photos : D.R.]

    THE END MACHINE logo

    George, The End Machine a amorcé un virage en revenant aux sources. Le communiqué de presse présente d’ailleurs ce deuxième opus comme un Dokken 2.0.

    L’objectif était d’utiliser des choses faisant référence à ce que nous avons fait avec Dokken et Lynch Mob. C’était très compliqué au départ pour moi comme pour Jeff (Pilson, basse). Pour plusieurs raisons :  nous avons évolué au fil des années durant lesquelles nous avons franchi diverses étapes. Et puis, notre musique a mûri. Pour retrouver la philosophie des débuts, nous avons analysé d’anciens morceaux, les solos, le groove, les riffs, les arrangements,… J’ai ainsi accumulé des tas d’informations sur mon téléphone. Avec Jeff, nous avons toujours cette alchimie incroyable pour composer. Une fois le processus lancé, c’est un flot constant d’idées qui sort. Chaque chanson a une solide accroche. C’était notre priorité. L’album est très accessible, nous n’avons pas essayé de dérouter les gens. Le premier disque était plus imprévisible. Phase 2 est en quelque sorte un préquel. Comme pour toutes les sessions d’écriture auxquelles je participe, il y a toujours au préalable une base. J’écris dans ma voiture, à la maison,… J’ai enregistré des centaines de plans et de riffs sur mon portable et je ressors ceux-ci en fonction du projet sur lequel je travaille. J’ai ainsi sélectionné une douzaine de sons avant d’entamer la composition de ce deuxième album de The End Machine.  Jeff et moi avons pris beaucoup de plaisir à composer les morceaux.

    Les nouvelles chansons sont toutes marquées du sceau de la qualité. Ce n’est pas qu’un simple revival des années ’80.

    Nous n’avons pas voulu proposer un projet “nostalgique”, car on ne peut pas reproduire la même magie de l’époque. Les temps et les gens ont changé. Le son d’AC/DC est immuable et c’est très bien mais de mon côté, je préfère la liberté créative. J’adore apprendre et produire de nouvelles choses. J’écoute tous les styles de musiques  à la maison. Peu importe le groove, le riff ou tout simplement la chanson tant que cela reste dans la tête. J’aime le delta blues, la world music, la musique progressive, le jazz, le classic rock, le metal, le hard-rock. J’étudie actuellement le jeu d’un guitariste de country qui est absolument fabuleux. Notre époque est à la diversité. Que ce soit sur le plan politique ou musical, je suis quelqu’un aux idées progressistes et je pense que cela se ressent dans ma musique.

    Tu as participé à de nombreux albums en compagnie de Jeff durant toutes ces années. Te souviens-tu de votre première rencontre ?

    Oui, bien sûr. Je venais d’intégrer Dokken et on était à la recherche d’un bassiste pour le groupe. Jeff nous a été conseillé par Mick Varney, le célèbre producteur, qui a joué avec Jeff dans une formation de Seattle (Cinema) à la fin des années ’70. Don (Dokken), Mick et moi avons assisté à un concert du groupe de Jeff dans un club de Los Angeles. Sa prestation scénique fut très convaincante, il chantait magnifiquement bien et son jeu de basse était impressionnant. Nous lui avons rendu visite le lendemain à son appartement pour le convaincre de rejoindre Dokken. Il était très heureux d’entendre cette proposition car il attendait depuis des années d’intégrer un groupe de hard-rock. Le reste s’est fait naturellement. Il y a une grande complicité humaine et artistique entre nous. C’est un peu fusionnel, nous avons envie de la même chose et d’avancer ensemble. 

    The End Machine - band photo

    En cette période chaotique j’imagine que quelques messages se tiennent en embuscade à travers vos compositions.

    Les messages sont importants dans la musique. Je regrette l’époque où le rock était révolutionnaire et engagé. J’ai la passion mais pas le talent pour être un musicien baroudeur comme Bob Dylan Pete Seeger, Woody Guthrie ou Rage Against The Machine. Ces artistes comme font volontairement passer des messages politiques ou religieux dans leurs textes. Je n’ai pas la prétention de dire que j’ai le même talent pour écrire des chansons révolutionnaires mais j’ai en tout cas la  même passion. Certains thèmes sont récurrents comme l’urgence écologique, les injustices ou encore certains sujets politiques. « Blood & Money » le premier single parle de l’accroissement des inégalités qui exacerbe les divisions. 

    Le remplacement de Mick Brown par son frère Steve à la batterie était un choix naturel ?

    On ne pouvait pas imaginer un meilleur remplaçant. Steve est le clone de son frère. Mick a décidé de se retirer de l’industrie musicale. Il a pris sa retraite après plus de 40 ans de scène. Il n’était plus en mesure de le faire en raison de nombreux problèmes de santé. Steve est plus jeune. Il apporte une fraîcheur au projet tout en ayant la même énergie et le même sens de l’humour que son aîné. Il a le même style de jeu et aussi la même voix. Après ‘Wild Mick’ nous avons à présent ‘Mild Steve’ Brown dans l’équipe. (Rires).

    The End Machine est-il juste un projet studio ou envisagez-vous de sortir un enregistrement live ?

     Nous n’avons pas encore évoqué cette possibilité. Quand Dokken s’est reformé il y a quelques années pour un CD/DVD enregistré en public au Japon, le résultat n’était pas celui escompté. Pour que cela fonctionne, le groupe doit être parfaitement rôdé. Nous avons commis l’erreur de ne pas avoir effectué de répétitions préparatoires lors de cette reformations éphémère de cinq ou six dates. Cela s’est fait dans l’urgence. Je ne regrette pas cette opportunité mais en ce qui concerne The End Machine, je suis partant pour un enregistrement en direct à condition que le groupe puisse au préalable effectuer une longue tournée pour arriver au top, c’est la priorité.  Créer des connexions et des habitudes sur scène prend du temps et de nombreux efforts.  On verra si cela peut se faire !

    The End Machine band - promo2

     Sur le plan politique l’année 2020 a été chaotique aux États-Unis, tout est à nouveau calme aujourd’hui sur le front Ouest ? 

    La direction du pays a été très agressive malheureusement au cours des quatre dernières années. J’espère que nous en tirerons les leçons car selon moi, l’échec fut collectif. Il est temps de remettre à l’avant plan les problèmes environnementaux, l’éducation, les soins de santé.  La meilleure façon d’apprendre est de regarder les pays qui ont réussi sur le plan économique et social. Je pense au modèle scandinave mais aussi à certains pays du Benelux et d’Asie, là  où le nationalisme n’est pas exacerbé. On voit apparaître de plus en plus de groupes sectaires chez nous alors que nous ferions mieux de mettre en commun ce que nous avons de meilleur et de nous enrichir de nos mutuelles différences. 

    Avec Jeff tu as aussi sorti fin 2020 Heavy Hitters un album de reprises à la sauce metal des classiques de la pop - de Carole King à Oasis en passant par Prince ou Madonna. Comment s’est fait le choix des chansons. Pourquoi celles-là en particulier ?

    Nous avons revisité toutes les époques, trois chansons par décades. Le choix était compliqué. Brian Tichy (batteur) qui est un grand fan des années ’70 nous a aidés.  La chanson « I Feel The Earth » de Carole King est son idée. Il y a aussi eu des conseils qui ne sont pas forcément de moi ou de Jeff. J’aimerais dire que la sélection fut judicieuse mais en réalité je n’aime réécouter que sept morceaux. On a dû abandonner certains titres qui étaient intéressants. Par contre « End Of The World », un titre de REM, nous a été imposé par le label parce que ses responsables estimaient qu’elle était en lien avec la pandémie. J’adore l’atmosphère ainsi que le côté heavy et moderne de la plage d’ouverture « One Of Us » (Joan Osborne). Il y a un vent de liberté dans certaines de nos interprétations que je trouve agréable. On a pas cherché à les triturer. Nous avons laissé libre court à nos envies. Et puis certaines chansons ont marqué des générations. Nous y compris. Au départ, c’est Angelo Moore, le chanteur de Fishbone, une vieille connaissance, qui devait chanter sur tout l’album mais cela ne s’est pas fait. Mon sentiment est mitigé cars nous avons dû faire pas mal de compromis avec le label. Avec mon  nouveau projet de rock industriel The Banishment, j’ai  eu recours à une campagne de crowdfunding pour plus d’indépendance.

    G. Lynch promo 2019

    « Que ce soit sur le plan politique ou musical, je suis quelqu’un aux idées progressistes et je pense que cela se ressent dans ma musique. »

    Quels sont tes espoirs et projets pour l’après Covid ?

    Nous traversons une période d’incertitude et n’avons rien planifié pour l’instant. J’espère que nous nous retrouverons et pourrons continuer l’aventure The End Machine. Concernant les concerts, je vois une ouverture à l’horizon à moyen terme. J’espère pouvoir venir en Europe l’année prochaine avec mon groupe George Lynch & The New West ou avec Dokken dans le cadre d’une reformation du line-up originel. Nous sommes actuellement en discussion. Mes relations avec Don Dokken sont très bonnes aujourd’hui.

    Un album instrumental est également annoncé chez Rat Pack.

    L’histoire reste intéressante. Seamless a vu le jour grâce à un heureux concours de circonstance. Au départ, cela devait être un nouvel album de Lynch Mob mais l’an dernier, j’ai dissous le groupe pour diverses raisons. Je me suis ensuite mis à la recherche de nouveaux musiciens pour enregistrer ce disque. J’ai envoyé les compositions à trois chanteurs, Joe Retta, Oni Logan et Andrew Freeman, pour écrire les lignes vocales. J’avais déjà travaillé avec eux mais cette fois-ci cela n’a pas fonctionné. Ils ont tous les trois rejeté mes démos. Dès lors, j’ai cru que j’avais engendré de mauvaises chansons et j’ai tout mis au placard. Et puis, un jour, un responsable du label Rat Pack m’a proposé d’ «instrumentaliser » l’album. C’était une sorte de contre-pied.  J’ai trouvé l’idée intéressante. Il n’y avait rien d’intentionnel dans ce projet. Je suis retourné dans mon home studio pour travailler là-dessus et il en est ressorti de choses vraiment intéressantes. Le type du label a été agréablement surpris en écoutant le résultat final. Il m’a dit : les gens vont adorer. Ce n’est pas un disque de shredder avec un grand déballage technique. En revanche, si vous aimez Joe Satriani ou Joe Walsh, cet album est pour vous.  Il est très mélodique et montre les différentes facettes de ce que je peux faire. Sans les vocaux, vous pouvez davantage apprécier le son des différentes guitares. Les mixes sont aussi d’une couleur très spéciale. Je suis convaincu que c’est une très bonne formule.

    Peux-tu aussi confirmer la sortie d’un troisième album du duo Sweet-Lynch ? 

    Oui. Nous entamerons l’enregistrement à l’automne.

    Te rappelles-tu de ton premier "live" ?

    Absolument. Je devais avoir 14 ou 15 ans lorsque j’ai rejoint au pied levé une formation qui évoluait en trio. J’avais juste répété une seule fois avant le concert. Je me souviens m’être retrouvé sur cette scène dans un hall énorme. Nous avons joué deux ou trois morceaux, j’étais terriblement nerveux mais cela reste un bon souvenir.  Je me rappelle également mon premier concert avec Dokken dans une arène de 18.000 personnes,  (Note : en guest de Rainbow et Aldo Nova à Philadelphie). J’étais si nerveux que j’en ai fait des tonnes. J’étais entrain d’effectuer un solo à genoux mais subitement je n’ai pas pu me relever, une scène digne de Spinal Tap. C’était très embrassant. (Rires)

    Quel(s) métier(s) as-tu exercé avant de devenir un musicien professionnel ?

    Oh, j’ai effectué de nombreux petits boulots. Juste avant d’intégrer Dokken, j’étais transporteur et livraison des boissons alcoolisées à domicile.  J’ai d’ailleurs effectué le trajet entre le centre de Los Angeles où je vivais avec ma femme et mes deux enfants, et Hollywood à bord de mon camion pour signer mon premier contrat avec une maison de disques. Ensuite j’ai poursuivi ma tournée. J’ai gardé ce travail pendant un an encore car le contrat nous autorisait juste à enregistrer un album. Il n’était pas encore question de remplir le compte en banque et vivre de cela.  Je devais payer mon appartement et entretenir ma famille.  Auparavant, j’ai livré des meubles, j’ai travaillé à l’usine, dans le secteur de la construction, j’ai nettoyé des avions,... Je vivais vraiment à la petite semaine. J’ai également fait la plonge dans des restaurants au milieu de la Californie, dans une ville craignos.  Je n’avais alors qu’un vélo et une guitare et je logeais dans une chambre d’un motel avec d’autres gars. Je me rendais quotidiennement à mon travail à vélo en tenant dans une main ma guitare. Un jour, j’ai décidé de la laisser sous mon lit car cela devenait pénible de pédaler pendant 10 km de cette façon. Lorsque je suis rentré un carreau de la cambre avait été brisé et on avait volé ma guitare qui était la prunelle de mes yeux, mon âme-sœur ! J’étais tellement attaché à cette six-cordes que je n’en ai pas racheté une autre avant un moment.

    Si tu devais résumer ta carrière en cinq chansons. Quels titres choisirais-tu ?

    C’est une question difficile. Allez, je me lance : « Paris Is Burning, «Tooth and Nail » , « Mr. Scary », « Under Lock and Key »  et « Wicked Sensation ».

    George Lynch

    Quel est le premier musicien qui a éveillé chez toi cette passion pour la guitare ? 

    J’ai grandi en écoutant de la musique classique grâce à mon père. Ensuite, je me suis intéressé à tout ce qui passait à la radio, la country, le jazz, le R’n’B ou la Soul et puis, les Beatles sont arrivés. Là, je me suis dit « c’est ça que je veux faire ! », c’est cette musique-là et George Harrison est devenu mon premier guitar-hero. En fait tous mes coups de cœur sont issus de la British Invasion. J'ai acheté le premier album de Jeff Beck, le premier Jimi Hendrix Experience, le premier Led Zeppelin avec Jimmy Page, le premier disque des Who. J’ai fait tourner inlassablement ces albums sur le tourne-disque de la maison. Ce sont vraiment des références qui m’ont accompagné mais ça part de George Harrison, peut-être aussi à cause du prénom (Rires).

    En parlant de guitariste, tu a rendu un hommage au regretté Eddie Van Halen lors du festival de la guitare organisé le 1er mai à Dallas. Ton groupe The Boyz partageait l’affiche avec sa formation lorsque Gene Simmons (Kiss) a repéré pour la première fois Van Halen au Starwood de Los Angeles en 1976. On vous a ensuite vu ensemble toujours au Starwood lors du fameux concert d’Harvey Mandel (Canned Heat) qui lui a donné l'idée du "tapping". Vous sembliez très proche.

    Nous étions deux jeunes guitaristes du Sunset Strip à Holywood. On se croisait régulièrement, on jouait dans les mêmes clubs et on fréquentait les mêmes magasins de musique. Un lien d’amitié s’est créé. Le point d’orgue fut la tournée des Monsters Of Rock aux États-Unis en 1988. Dokken ouvrait pour les Scorpions et Van Halen. Eddie et moi avons passé beaucoup de temps ensemble, à comparer nos équipements, à raconter des tas d'histoire, à jouer de la guitare tard dans la nuit et à s’encourager mutuellement. C’était cool.  

    The End Machine - phase 2 cover

    THE END MACHINE

     Phase 2

    Frontiers Records 

    Le premier album de The End Machine n’était pas une surprise. C’était une stupéfaction ! Nous avions été séduits par le kaléidoscope d’émotions et de styles de cette association de musiciens hors pair. Cette fois le quatuor propose un répertoire plus conventionnel et homogène. Les guitares de Lynch claquent, la basse de Pilson étoffe, Steve Brown, le remplaçant, s’en tire plutôt bien à la batterie et Robert Mason, égal à lui-même, offre une performance vocale d’une justesse absolue. Ce Phase 2 apporte son lot de très bons morceaux peuplés de groove intense, de refrains efficaces et de riffs infectieux.  « Blood & Money » et « Dark Divide »  sonnent comme des classiques, le feeling est présent sur « Prison Of Paradise » et « Scars » se révèle carrément somptueux. Les chansons s’enchaînent et s’enchaînent. Grâce à l’approche passe-partout des années ’80 et un son résolument moderne, The End Machine tient ses auditeurs accrochés par les ongles. Voilà un album exemplaire qui ne fera pas tache dans votre collection. [Ph. Saintes]

    Retrouvez cet article dans Metal Obs' #97

     

     


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