• THE ANSWER, l'interview de Paul Mahon

      THE ANSWER

     Les boys sont de retour

    Invité cette année au Graspop Metal Meeting, The Answer reste l’un des groupes les plus importants d’Irlande du Nord. Malgré un break de plusieurs années, ses membres sont restés aussi soudés qu’un trèfle à quatre feuilles. Le nouvel opus Sundowners, qui est sorti le jour de la Saint Patrick (cela ne s’invente pas), montre l’aptitude du quatuor de composer des chansons fédératrices. [Entretien avec Paul Mahon, guitare par Philippe Saintes – Photos : Deady Pix + DR] 

    The Answer 2023

    Le groupe sort d’une pause de plus de six ans. Doit-on mettre cette absence sur le compte de la lassitude après la dernière tournée ?  

    Je pense que c’est avant tout l’échec de notre précédent disque Solace qui est à l’origine de cette longue interruption. C’est un opus différent des cinq albums précédents. Il est plus posé. Cela reste un choix du groupe plutôt qu’un concours de circonstance. Les avis ont été mitigés à sa sortie, certaines personnes ont aimé le concept, d’autres pas du tout. On était clairement dans une impasse. Avec le temps, les sceptiques ont commencé à changer d’avis surtout pendant la tournée promotionnelle.  Initialement, on comptait faire un nouvel essai en studio pour convaincre les auditeurs les plus récalcitrants mais avec le recul on a appris à mieux connaître l’attente du public. Cette désillusion a beaucoup affecté le groupe. On était arrivé au bout d’un cycle : 20 ans de collaboration et six albums. Notre contrat avec Napalm Records se terminait et, honnêtement, nous n’avions pas envie de repartir à zéro après un échec. Il y a donc eu un compréhensible essoufflement de notre part. Aux soucis professionnels se sont greffés des évènements plus personnels, comme la naissance de mon premier enfant. Il était clairement temps de mettre le groupe en mode pause.

    Qu’as-tu fait pendant tout ce temps ?

    Je me suis installé à Paris en 2017. J’ai continué à vivre ma passion pour la musique mais autrement. J’ai produit plusieurs artistes et mixé des albums. C’est quelque chose que j’aime faire et que je compte poursuivre plus fréquemment aujourd’hui. Je suis ensuite retourné en Irlande du Nord pour travailler dans mon home-studio, près de ma famille. J’ai écrit des chansons avec d’autres personnes, collaboré avec Micky (Waters, bassiste) sur un projet de musique électronique ainsi que sur des musiques de film.  Il n’y avait plus ce rythme infernale des vingt dernières années.  Lorsque tu es dans un groupe, il y a une pression constante. Tu sors un disque puis tu enchaînes avec une tournée et ensuite tu commences à travailler sur un autre album et ainsi de suite. Cela laisse peu d’espaces libres.  

    On vous sent libéré. Sundowners semble être l’album de la maturité.

    Le mot maturité est banni dans le milieu du rock’n’roll (rires). Mais tu as raison, on est désormais plus patient. Cela n’a pas toujours été le cas. Je me réjouis d’être de retour au sein de The Answer. C’est la même chose pour Cormac (Neeson, chant) qui a sorti un album solo. Nos projets respectifs ont été une bouffée d’air car c’était nouveau. Grâce à cela l’esprit de groupe a été ravivé. C’était un nouveau départ en quelque sorte. Lorsque nous sommes entrés en studio, nous avions quinze ou seize compositions sur la table. Trois au quatre titres phares ne se sont pas retrouvés sur l’album parce que stylistiquement ils ne convenaient pas à l’esprit de Sundowners. On a opté pour « Get On Back » par exemple, qui n’a aucune chance de passer en radio mais c’est une chanson funk qui s’intègre parfaitement au reste. On a vraiment pris le contrôle de notre destin. Nous avons ignoré les voix extérieures et les avis non sollicités pour revenir à l’essence du quatuor. Cela exige beaucoup d’efforts et d’attention, mais au moins, tout t’appartient et la source de plaisir est énorme. 

    Des chansons comme « No Salvation », « All Together », « Get On Back » et « Cold Heart » font ressortir vos influences soul et blues.

    On a déjà touché à ces ambiances auparavant mais peut-être pas suffisamment. On a construit des airs de gospel et utilisé un orgue Hammond. L’angle soul de ce disque est quelque chose dont nous sommes fiers. L’évolution est venue du fait que nous avons eu plus de temps pour travailler tous les éléments que nous étions en train de composer, d’écouter les idées des autres. Notre approche est bien meilleure maintenant.

    The Answer- Raismes Fest 2016

    Musicalement vous êtes tous les quatre irréprochables. Est-ce là votre meilleur disque à ce jour ?

    C’est une bonne question. Je te répondrai que le prochain sera meilleur encore (Rires). Il fait en tout cas partie de mon top trois avec Rise et Revival. Sundowners constitue certainement une pierre angulaire de la carrière de The Answer. Le fait d’avoir eu Dan Weeler comme producteur nous a vraiment aidés à réaliser un album organique. Il n'a été enregistré que sur 16 pistes. C’est sûrement cela qui donne cette impression de son naturel. Il y a également un peu moins de guitares. Le but était de créer suffisamment d'espace pour tout le monde.

    Le titre éponyme « Sundowners » est un blues incandescent qui ne manquera pas d’enflammer la fosse.

    C’est aussi mon avis. C’est l’une des dernières chansons que nous avons enregistrées. Elle fait partie de la session finale. C’est un morceau assez simple influencé par T-Rex. Nous ne sommes plus effrayés de proposer un style agressif saturé de guitares. Dan m’a donné un sentiment d’enthousiasme et de curiosité renouvelé dont j’avais besoin. Ce fut un grand plaisir de travailler avec lui. Grâce à ses encouragements, j’ai utilisé pour la première fois une Stratocaster sur un album, à la place d’une Les Paul afin d’obtenir un fuzz dynamique.  On peut entendre et voir cette guitare sur la vidéo de « Blood Brothers ». Elle était avec moi quand j'ai déménagé à Paris. Il y a beaucoup de Strat et de Telecaster sur l’album. Pour le morceau « California Rust », j’ai joué sur une Les Paul mais j’ai ajouté l'aspect plus mordant de la Telecaster sur l’overdub.

    Combien de titres de cet album comptez-vous jouer en concert ?

    Nous avons donné un concert un peu avant Noël pour Planet Rock une station populaire de Londres. Pour ce premier show en six ans, on a interprété trois nouveaux titres : « Blood Brother », « Sundowners » et « Livin' On The Line ». On est très excité de pouvoir jouer davantage de morceaux de l’album. En fait, on a appris et répété toutes les chansons. Mes favorites sont « Sundowners », « California Rust », « Blood Brothers », « Want You To Love Me», « All Together », « Always All right »,  « No salvation » et « Cold Heart ». 8 à 9 morceaux devraient figurer sur la setlist. Tout dépendra de la durée du concert.  

    « Nous avons ignoré les voix extérieures et les avis non sollicités pour revenir à l’essence du quatuor. »

    « Always Alright » est un mélange de country-blues et de gospel. Qui a eu l’idée de cette chanson ?

    Micky et Cormac ont écrit « Always Alright » ensemble. Les studios (Middlefarm studios) se trouvaient au milieu de la campagne dans le sud-ouest de l’Angleterre, près de Cornwall, à plus de deux heures de route de Bristol. Après chaque enregistrement, on se rendait dans une pièce dans laquelle il y avait une impressionnante collection de vinyles. On a mis notre nez dans tout. On a clairement été influencé par les disques que nous écoutions chaque jour. « Always Alright » est un mix de Crosby, Stills and Nash et des Stone Roses. C’est assez déroutant pour les fans de base de The Answer. Le rythme de départ était plus rapide. Puis, on a entendu un bootleg de Donny Hathaway avec un tempo de batterie lent et un groove incroyable. Après le déjeuner, j’ai pris une guitare et commencé à jouer sur un ampli Fender Princeton. J’ai entamé une séquence d’ouverture et Jay a commencé à taper le même rythme à la batterie que le morceau de Donny Hathaway. Il était deux fois plus lent par rapport à la première prise. Notre ingénieur du son, Peter Miles, a alors quitté la table de mixage et s’est mis à l’orgue Hammond. On est parti dans une improvisation totale, ‘Pete’ ayant appris le morceau à la volée. La troisième prise a été la bonne. Cette spontanéité, nous ne l’avions pas à nos débuts.   

    En parlant de spontanéité, est-ce que tu écris les solos, ou laisses-tu de la place à l’improvisation en studio ? 

    La plupart des solos de Sundowners ont été écrits. Nous avons joué dans les conditions live sans une multitude d’overdubs. Ce sont toutes des premières, deuxièmes ou troisièmes prises. Par conséquent, je savais où je devais commencer et où je devais terminer.  

    The Answer 2016

    On est impatient de vous voir sur scène au printemps sur le continent.

    Ce n’est pas une tournée massive. Elle ne durera que trois semaines avec un lancement en Angleterre mais la réponse à notre premier single « Blood Brother » a dépassé toutes nos attentes. Nous n’avons jamais eu autant de passages en radio en Allemagne auparavant. La couverture médiatique a été importante en France. Je n’oublie pas les Pays-Bas, le premier pays où nous avons joué en dehors du Royaume Unis. C’était à l’occasion de l’Eurofestival en janvier 2006. Je m’en rappelle parfaitement car auparavant je n’avais quitté l’Irlande qu’à deux reprises durant mon adolescence, à l’occasion d’un match de football disputé par Manchester United à Wembley et pour le GP de F1 de Silverstone. Je n’avais jamais mis un pied sur le Continent. J’avais dit à mes copains qu’un jour j’allais sillonner l’Europe et les Etats-Unis avec mon groupe. Ils m’ont répondu : « Tu rêves mon vieux »! Tu peux imaginer ma fierté lorsque je me suis retrouvé sur cette scène en Hollande. On a régulièrement donné des concerts là-bas. Je suis vraiment impatient d’y retourner.

    N’est-il pas difficile aujourd’hui d’exister en tant que groupe de rock alors que la majorité écoute du R&B ou du rap ?

    Si bien sûr. C’est une situation à laquelle nous avons dû faire face pendant une bonne partie de notre carrière, excepté à nos débuts. Au moment de signer notre premier contrat, une nouvelle vague rock émergeait. Je pense à des groupes comme The Darkness et The Datsuns qui étaient diffusés sur Radio 1, la plus importante chaîne au Royaume Uni. Suite à la reformation de Led Zeppelin (pour un concert), l’hystérie était collective. Il y avait à l’époque un regain d’intérêt chez les jeunes pour ce genre de musique. Toutefois, cela n’a pas duré bien longtemps. Après la vague initiale, au moment où nous avons ouvert pour AC/DC, le soufflet est vite retombé. Le rock a rapidement perdu le soutien de la sphère médiatique traditionnelle. J’ai consacré beaucoup d’énergie et mis toute mon âme dans le groupe pendant 20 ans. L’absence prolongée de perspective crédible de reconnaissance est une source de frustration et en même temps une source de motivation et de combat pour les formations rock qui tentent d'exercer leur art. Cormack, Micky, James et moi avons appris à surmonter ce manque de notoriété durant notre « pause carrière ». A présent, je ne m’inquiète plus de savoir si l’album va bien se vendre ou si Sundowners va se hisser dans le top des classements ou décrocher des certifications.

    Pour conclure, avec quels guitaristes irlandais prendrais-tu le plus de plaisir à jouer. Ton top 5 ?

    Je n’ai pas un classement bien précis mais j’aurais évidemment trouvé du plaisir à jouer avec Rory Gallagher qui est un génie et une légende vivante pour tous les musiciens Irlandais. Il sonne comme une évidence quand on évoque les racines blues de The Answer. Nous avons repris certaines de ses chansons et joué au festival international qui rend hommage à son œuvre, dans le comté de Donegal. J’ai commencé à jouer de la guitare électrique quand Rory est décédé en 1995. Je ne connaissais pas grand-chose de sa musique à ce moment alors je me suis progressivement intéressé à ses albums et aux enregistrements son groupe, Taste. Mon père et son band ont eu la chance de jouer avec John Wilson (batteur de Taste). Il y a donc une connexion avec Rory. Sa musique, c’est de l’émotion pure, mes influences ont toujours été ce genre de guitariste. Rory Gallagher est un musicien sous-estimé qui mérite de se retrouver au panthéon des plus grands aux côtés de Stevie Ray Vaughan et Jimi Hendrix.

    J’ai toujours eu beaucoup de respect également pour Gary Moore qui est né à Dundonald, dans la banlieue de Belfast. Ce n’est pas très loin de chez moi. C’est un guitariste phénoménal. C'est surtout son jeu très personnel lorsqu’il était membre de Thin Lizzy, qui m'a le plus marqué, notamment sur Black Rose. Sa carrière s’est envolée suite au succès des albums Still Got The Blues et After Hours mais il ne faut pas oublier son travail avec Lizzy et ses albums solos. Il a touché à tous les genres durant sa carrière. Je l’ai rencontré lors d’un concert au Royal Albert Hall. The Answer ouvrait pour Paul Rodgers (Free, Bad Company). Gary Moore est venu jouer sur trois chansons à la fin du set. Je me vois encore assis avec Cormac regardant Paul et Gary interpréter « The Hunter » pendant le soundcheck. Ils communiquaient entre-eux sur la façon d’interpréter la chanson et Gary est parvenu à jouer le solo de la même façon que Paul Kossoff (guitariste de Free). On s’est regardé Cormac et moi et on s’est dit « Waouh ! On est témoin de la rencontre de deux monuments au Royal Albert Hall. Quel honneur ! » Nous avons eu le plaisir de discuter avec eux. J’en garde un excellent souvenir !

    En troisième position, cela peu paraît plus surprenant, je place The Edge. C’est un guitariste que j’ai beaucoup écouté quand j’étais jeune. James, notre batteur, est un fan invétéré de U2. Durant l’enregistrement de Sundowners, on écoutait en boucle « When Love Comes To Town », le titre enregistré en duo avec BB King, et « Unforgettable Fire ». Le style de The Edge est très particulier avec de multiples effets de slides et d'harmoniques, ainsi que des rythmiques mélodiques. Je suis impressionné par la façon dont il « remplit les espaces » en concert dans les stades. Pour l’anecdote, ‘Pete’ Miles a pris une photo de moi en noir et blanc qu’il a collé sur le dos de la couverture de Unforgettable Fire. Tu peux voir ce montage à l’intérieur de la pochette ou le vinyle de Sundowners, si tu as de bons yeux. (Il rit.)

    Parmi les nouveaux, ou disons les moins anciens, je trouve du plaisir à écouter Tim Wheeler du groupe Ash. Il est comme moi originaire de Downpatrick. Je me souviens l’avoir vu jouer alors qu’il n’avait que quinze ou seize ans et moi treize à peine. Déjà, à ce moment il m’a impressionné comme guitariste mais aussi en tant qu’auteur et chanteur. Il est catalogué comme artiste commercial ou de rock indé mais c’est avant tout un fabuleux guitariste qui a une tonalité bien à lui. J’ai joué avec Tim sur une chanson de Ash « Shining Light » lors d’un concert donné au Ulster Hall de Belfast avec l’Orchestre d'Ulster. Nous avons aussi repris « Stairway to Heaven », le classique de Lez Zeppelin sur lequel il a utilisé une guitare à double manche douze cordes.  C’est un grand talent. Enfin, je n’oublie pas Vivian Campbell. Ce n’est pas facile de quitter Belfast avec une guitare comme seul compagnon, et je sais de quoi je parle. Vivian a saisi sa chance et il s’est retrouvé sur Holy Diver, l’album légendaire de Dio. Grâce à son travail avec Ronnie James Dio, il a amené le feeling du classic rock dans le heavy metal, un courant qui commençait à émerger à l’aube des années ’80. Je peux entendre des influences de Jimmy Page, je pense notamment au morceau « Achilles Last Stand », mixées avec la technique typée de cette époque. Viv est toujours au sommet avec Def Leppard, 40 ans plus tard. Chapeau !  

      

    THE ANSWER

    SUNDOWNERS  

    Golden Robot Records 

    The Answer - Sundowners cover

    Si vous cherchez une galette qui a toutes les qualités du hard rock bluesy aux effluves 70’s, quelque chose de solide et que l’on peut décemment recommander à ses amis, un disque d’un groupe complet, possédant un chanteur digne de ce nom, un guitariste qui ne l’est pas moins et une rythmique qui n’est pas non plus en reste, alors le nouveau The Answer vous tend les bras. Que ce soit sur « Oh Cherry » ou sur « California Rust », le groupe va à l’essentiel avec des riffs costauds, une ambiance sympathique et un état d’esprit positif. Le farouche « Want You to Love Me » montre que les rockeurs sont toujours enragés. « Blood Brother » le single possède un impact groovy et chaleureux comme en témoigne son succès sur les radios de Classic Rock. Le psychédélique « Sundowners » qui ouvre l’album et l’envoûtant « Alway Alright » qui le clôture sont deux joyaux regorgeant d’idées sonores. Si les backing vocaux contribuent à la folie de l'ensemble, on ne manquera pas de souligner l’apport du claviériste Jonny Henderson, connu pour son travail avec le guitariste de blues Matt Schofield.  Celui-ci est aussi à l’aise à l’orgue Hammond qu’au piano électrique (Fender Rhodes ou Wurlitzer) ou encore avec le clavier Vox Continental utilisé sur « Blood Brother ». La démarche de Sundowners se place dans la droite lignée des œuvres de Rival Sons et Thunder. Alors si cette musique est votre tasse de thé, ne négligez pas le gobelet de Whiskey qui se cache derrière. [Philippe Saintes] 


     

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