-
Aynsley Lister enflamme le Spirit Of 66 avec un blues inoubliable
Par une soirée pluvieuse, un vrai Blue Monday à Verviers, Aynsley Lister et ses acolytes ont transporté le public dans un voyage musical vibrant, mêlant énergie brute et blues raffiné pour le dernier concert de la tournée Along For The Ride (26 dates en Europe hors UK). [Texte et Photos Philippe Saintes]
Aynsley Lister après Pat McManus, Dom Martin, Greg Howe ou Reb Beach et avant le trio Chapellier-Rondat-O'May, le Spirit gâte ses clients en matière de "guitar hero" cette année. Lister évoque la grandeur de Rory Gallagher des années 70. Sa virtuosité à la six cordes, souvent saluée par les critiques, s’est illustrée une fois encore avec éclat en live.
Le concert a débuté sur les chapeaux de roue avec Everything I Need, un morceau qui a instantanément plongé la salle dans une ambiance rock percutante, évoquant l'énergie brute de ZZ Top. Les riffs puissants ont capté l'attention dès les premières secondes, avant de laisser place à la finesse et à la sensibilité de Home, où les percussions subtiles et les mélodies de guitare délicates ont apporté une touche plus douce et introspective.
Un autre moment marquant du set est l'interprétation de Soundman, dont la touche jazzy rappelle Robben Ford. Lister montre qu’il sait varier les styles tout en restant authentique.
Le concert a aussi exploré des créations plus récentes, notamment Eve Part 1, inspirée par la série Killing Eve. La chanson, que l'auteur décrit lui-même comme un mélange de thème James Bond et de sonorité Pink Floyd, a captivé les spectateurs avec ses passages éthérés et ses riffs puissants.
La deuxième partie du concert a fait monter la tension d’un cran, notamment avec des titres comme Soul et l'incontournable Hurricane, sur lequel Aynsley Lister contrôle parfaitement le volume tout en libérant sa puissance. Aux côtés de Craig Bacon à la batterie et Jono Martin à la basse, l’alchimie sur scène est indéniable. Le duo rythmique a brillamment soutenu la prestation du boss, avec plusieurs moments de complicité notable pendant d’heureuses improvisations.
Tout au long de la soirée, le natif de Leicester a démontré sa polyvalence en changeant régulièrement de guitare, passant avec aisance d'une Fender Stratocaster ‘70s à une Silvertone, puis à une 355 faite maison. Cette variété sans surenchère lui a permis d'explorer des textures et des tonalités uniques, enrichissant encore plus sa performance et captivant l’audience à chaque transition.
Sur Amazing, le guitariste n'a pas hésité à exprimer sa critique des réseaux sociaux, ajoutant une dimension réfléchie à sa performance. Le concert s'est terminé avec une reprise bouleversante de Purple Rain de Prince, un hommage qui a fait vibrer la salle jusqu'à la dernière note. Le trio est revenu pour un rappel efficace sur la scène du Spirit of 66 en jouant Big Sleep un des nombreux titres de l’album Equilibrium interprétés au cours de cette tournée.
Pour l’anecdote, il s’agissait déjà de la 10è prestation d’Aynsley Lister dans la salle de Francis Géron. Après le show, l’artiste britannique nous a confié qu’un album live verra le jour en 2025, regroupant les enregistrements de plusieurs concerts de la tournée. Vous pourriez donc entendre certains morceaux capturés lors de cette soirée du 11 novembre auquel tout fan de blues rock aurait plaisir de dire : "J'y étais."
-
Reb Beach
Made in Europe
Reb Beach, guitariste virtuose reconnu pour ses performances dans des groupes emblématiques comme Winger et Whitesnake, a traversé plus de trois décennies dans le monde du rock. Son style unique, mêlant technicité et émotion, ainsi que son influence sur la scène rock des années 80 et 90, font de lui une figure incontournable du genre. Avant de monter sur la scène du mythique Spirit of 66, fief de Francis Géron, Reb est revenu sur sa tournée en Europe avec les Bad Boys tout en livrant des anecdotes savoureuses qui n’ont rien à envier à ses solos. [Entretien avec Reb Beach, guitare par Philippe Saintes – Photos : Enzo Mazzeo, Tyler Bourns, DR]
Reb, qu'est-ce qui t’a motivé à lancer le projet Reb Beach and The Bad Boys ?
Avec l’arrêt temporaire de David Coverdale pour des raisons de santé, Michele Luppi, un autre membre de Whitesnake, et moi avons décidé de continuer l’aventure et de jouer les classiques de Whitesnake. On fait en sorte de garder l’esprit du groupe bien vivant sur scène, avec des solos percutants et des voix fidèles à l’original. L’énergie est là, et on donne tout pour que les fans retrouvent l’intensité de chaque morceau.
Comment décrirais-tu l'accueil des fans européens lors des concerts ?
Les fans européens sont incroyables : ils chantent chaque chanson, connaissent chaque titre. C’est vraiment fascinant de voir à quel point ils sont passionnés ! Leur énergie est unique. Même quand des imprévus surviennent, comme des soucis de santé ou des contraintes, le public est toujours là pour nous soutenir. Par exemple, notre chanteur Fabio Dessi a récemment dû se retirer pour une urgence familiale, donc maintenant c’est juste Michele et moi. Ce soir, avec mon rhume, je ne suis même pas certain de pouvoir chanter correctement. On finira peut-être avec un seul chanteur ! Mais le public ne s’en soucie pas vraiment. Les gens viennent pour le rock, pour la musique. Et il faut dire que les musiciens qui m’accompagnent sont fantastiques : notre batteur Paolo Caridi est exceptionnel, et le guitariste Khaled Abbas est peut-être même meilleur que moi ! La grande force du groupe, est que nous sommes comme les Bee Gees, tu sais, avec trois gars ayant de fortes voix. Les fans sont si investis et si passionnés que l’essentiel est de jouer avec tout notre cœur. c’est une expérience inoubliable pour eux comme pour nous.
Et ce soir quels titres allez-vous interpréter ?
Principalement des classiques de Whitesnake, puisque c’est avant tout un hommage au groupe, mais nous incluons également des chansons de Winger et de Dokken. Le public adore ça. En Europe, les gens connaissent surtout « Madeleine » et « Miles Away » de Winger. Chaque fois qu’on joue « Miles Away », c’est touchant de voir à quel point cette chanson résonne, surtout auprès des hommes. Ils pleurent et chantent, surtout quand ils sont un peu ivres. Bizarrement, ce sont plus les hommes que les femmes qui s’identifient à cette chanson.
Pour toi, cette tournée a-t-elle une dimension professionnelle, ou est-ce plutôt une escapade musicale ?
C’est avant tout pour le plaisir et, disons-le, pour mettre un peu d’argent de côté. Avec les trajets interminables en van et le budget limité, chacun essaie de tirer son épingle du jeu. Mais surtout, nous sommes de très bons amis. Cette camaraderie fait toute la différence.
Combien de guitares as-tu emporté avec toi ?
Une seule ! Impossible d’en prendre plus. Chaque guitare coûte environ 100 dollars par vol, et avec tout le matériel, je n’ai de toute façon pas assez de mains. Je déteste les étuis doubles, ils sont énormes et difficiles à transporter.
"On fait en sorte de garder l’esprit de Whitesnake bien vivant sur scène, avec des solos percutants et des voix fidèles à l’original. L’énergie est là, et on donne tout pour que les fans retrouvent l’intensité de chaque morceau."
Tu reviens dès la semaine prochaine en Belgique avec The Dead Daisies, en remplacement de Doug Aldrich. Comment se remet-il de l’intervention chirurgicale faisant suite à son cancer de la gorge ?
Doug se porte bien, heureusement. Son opération s’est bien passée, et il est en voie de guérison.
A-t-il demandé personnellement à ce que tu le remplaces ?
Oui, lui et quelques autres gars m'ont contacté. Après toutes ces années, l'amitié est toujours forte. On s'envoie des messages chaque fois que les Pittsburgh Steelers jouent contre les Philadelphia Eagles. La dernière fois que je l'ai vu, c'était lors d’un dîner ensemble pendant une croisière.
As-tu eu le temps de répéter les chansons des Dead Daisies ?
Pas encore. Après ce concert, je compte m’attaquer à une nouvelle chanson. Il me reste quatre morceaux à maîtriser, donc les jours à venir seront consacrés à répéter la setlist sans relâche, partitions sous les yeux ! Au total, il y a 18 chansons à apprendre. Croisons les doigts !
Comment appréhendes-tu le remplacement de Doug ?
Je joue d’une manière assez différente de Doug. Il est un adepte de la Les Paul, avec un son massif, alors que je me situe plutôt du côté Stratocaster, avec du tapping. Nos styles sont distincts, mais nous avons en commun cette émotion que la musique exige. On doit maîtriser les bases du blues et jouer avec sincérité, et je pense que je peux honorer ce rôle.
Quand rejoins-tu les Dead Daisies sur la route ?
Je termine cette tournée la semaine prochaine, puis j'aurai une répétition avec eux le 30, ce qui me réjouit, et nous avons un concert le 1er à Eschende. Après cette tournée avec les Bad Boys, j’ai un clinic le 28 et je prends ensuite l’avion le 29 pour les Pays-Bas.
En mars dernier, Jeff Pilson (Foreigner, Dokken) m’a signalé que vous étiez ensemble en studio pour enregistrer des parties de guitare pour le nouvel album de Black Swan. Peux-tu m’en dire plus sur ce disque ?
L’album devrait sortir l’été prochain, probablement en mai ou en juin. J’ai déjà terminé mes parties, même s’il est possible que j’ajoute quelques guitares supplémentaires après l’enregistrement des voix, peut-être quelques boucles dans les refrains ou en fin de morceau pour accentuer certains passages. Pour l’instant, tout est entre les mains de Robin [McAuley, chanteur] et Jeff. Ils m’envoient des versions, je donne mon avis, et nous ajustons les morceaux ensemble.
Il s'agit avant tout un travail collaboratif.
Oui, absolument. Avec Jeff, c'est une sorte de démocratie. On est vraiment bons pour trouver des compromis entre nous. La musique est vraiment solide, mais je n'ai pas encore entendu toutes les paroles ni les voix. Mais d'après ce que j'ai pu écouter jusqu'à présent, il y a déjà quelques très bons morceaux.
Tu as mentionné avoir rejeté beaucoup d’idées avant d’arriver à ces morceaux.
Oui, c'est vrai. J’ai jeté jusqu’à 60 ou 70 idées. Il faut souvent écrire beaucoup de mauvaises choses avant de trouver la bonne idée. C’est un processus.
As-tu utilisé des idées que tu avais écrites à l’origine pour Winger sur cet album de Black Swan ?
Pour les deux premiers albums de Black Swan, oui, surtout le premier, qui comportait principalement des idées que Winger avait écartées. Le second était un mélange d’idées issues de Winger et de nouvelles compositions. Mais pour ce nouvel album, tout est neuf, rien n’a été repris de Winger. J’ai commencé avec dix chansons, et nous avons progressé à partir de là. Le son est vraiment le mien, avec mon style distinctif. Il sera intéressant de voir comment cet album sera accueilli. Il est différent des deux premiers, mais cela reste bien sûr du hard rock mélodique.
Pourquoi Winger ne tourne-t-il que rarement en Europe ?
Winger n’a pas vraiment percé en Europe. On vient de faire une tournée aux États-Unis avec Steel Panther, et c'était incroyable, mais même là-bas, beaucoup de gens ne connaissent pas Winger. Beaucoup de jeunes nous ont découverts pour la première fois. Ils ont adoré et ont même chanté avec nous sur « Miles Away », mais financièrement, on n’a rien gagné avec cette tournée. Steel Panther a été génial, ils sont même montés sur scène avec nous, mais ce n’était pas viable économiquement. Je ne pense donc pas que nous reviendrons en Europe, sauf miracle. Quant à Kip, il ne veut plus chanter She's Only Seventeen. Il est maintenant compositeur de musique classique et a même été nommé aux Grammy Awards. C’est ce qu’il veut faire aujourd’hui. À 63 ans, il n’a plus envie de tourner en rond en chantant des chansons sur les filles. C’est un homme extrêmement talentueux et intelligent, qui reste passionné par le rock, même si c’est devenu très difficile de chanter ce type de morceaux aussi aigus.
As-tu une anecdote à propos du début de ta carrière avec Winger ?
Ça remonte à l’époque où je me trouvais dans les studios d’Atlantic Records avec une artiste appelée Fiona. Ce jour-là, il y avait des grands noms comme Chaka Khan, Howard Jones, et ils m’ont entendu jouer. Ils ont dit : « On veut que ce gars joue un solo à la Eddie Van Halen ». Du coup, j’ai fait des sessions pour des artistes comme Kenny Loggins et Roger Daltrey. J’étais devenu ce « gars des solos à la Eddie Van Halen » ! Un jour, je jouais de la guitare en studio, juste pour passer le temps. Beau Hill, le producteur, est passé et m’a dit : « Qu’est-ce que c’est que ça ? » Je lui ai dit que je jouais simplement de la guitare. Il m’a répondu : « Non, ça, c’est une chanson ! Tu as besoin d’un arrangeur. » Et là, il a ajouté : « Il faut que Kip Winger s’en occupe. » Je ne pouvais pas le croire, parce que je ne supportais pas Kip à ce moment-là !
Ah bon ?
Je le trouvais ennuyeux, avec sa passion pour la musique classique. Mais on s'est retrouvé dans une pièce ensemble et, il est devenu mon meilleur ami. Depuis, on ne s’est jamais quittés. C’est un génie. Ce jour-là, on a écrit « Time to Surrender », « 17 » et une autre chanson. Je n’oublierai jamais ça. Et quand l'album est sorti, il n'a pas fait de ventes. On pensait que c’était fini. Mais MTV a accepté de passer notre clip une fois, à 1h55 du matin, dans l’émission Headbangers Ball. J’étais là, devant la télé, avec mes grands cheveux et mon spandex, en train de me dire : « C'est mon heure de gloire, je vais devenir une rock star ». Et ça a fonctionné ! Le lendemain, tout le monde parlait de Winger, et la chanson est entrée dans le top 20. « Madelaine » est vraiment ce morceau qui a changé ma vie. Écrire avec Kip, c'était fluide. Nous pouvions entrer en studio avec une idée, et en ressortir avec un tube. C'était comme si nous étions faits pour travailler ensemble.
Et Whitesnake ? Dans une récente interview, tu as déclaré la possibilité d'une résidence à Las Vegas pour marquer la fin du groupe.
Je savais dès que je l'ai dit dans cette interview en Espagne que ça finirait sur Blabbermouth. Et je savais qu’ils étaient déjà en train d’écrire un article. Peut-être que David et moi ferons un concert à Las Vegas, dans le cadre d’une résidence. Je crois que c’est quelque chose que David pourrait envisager, mais rien n’est officiellement programmé.
Donc, il n'y a aucun plan pour l’Europe?
Non, il n’y a rien de prévu à l’heure actuelle.
Pas de nouveau matériel ? Tu n’as rien écrit avec David récemment ?
Pas vraiment. Peut-être que Joel [Hoekstra] travaille sur quelque chose avec David, mais je pense que ce serait plus pour un projet acoustique ou un album de Noël. Ce n’est que mon avis, bien sûr.
Quels sont tes projets pour 2025 ?
J’aimerais enregistrer un nouvel album solo, dans la lignée de Masquerade, mon précédent disque instrumental, qui a bien fonctionné. Peut-être même former un groupe solo avec un chanteur. Je pense que ça marquerait la fin de ma carrière, à moins que j’aie une autre opportunité.
Tu sembles toujours apprécier cette vie de nomade après toutes ces années. Qu’est-ce qui te motive encore ?
J’adore jouer. C’est ce qui importe le plus dans une industrie musicale qui devient de plus en plus compliquée. Être musicien aujourd’hui n’a rien de facile. Les gens s’imaginent une vie de rock star pleine de fêtes et de confort, mais c’est surtout beaucoup d’attente dans les aéroports, de trajets, et peu de sommeil. Mais une fois sur scène, tout cela en vaut la peine, parce que je fais ce que j’aime. Voir les réactions du public, c’est vraiment ce qui compte.
Et en dehors des concerts, des studios d’enregistrement et de la scène, que fais-tu ?
Je suis paresseux (rires). Je regarde du football, je bois de la bière, et j’adore sortir dîner. Parfois, je joue aux jeux vidéo, mais généralement, j’écris de la musique.
Et pour les repas en tournée, as-tu des préférences ?
En général, je prends des spaghettis bolognaise. C'est un plat que vous pouvez commander dans n'importe quelle langue, que ce soit en japonais ou autre. Ça reste toujours des spaghettis bolognaise. Il n'y a pas d'autre mot pour ça ! C'est difficile de rater ce plat, vous savez, c'est juste de la sauce tomate, du bœuf et des pâtes. C'est généralement ce que je prends, c'est simple et on ne peut pas vraiment se tromper avec ça.
As-tu des endroits de prédilection quand tu tournes en Europe ?
J'adore voyager en Europe, et particulièrement en Italie. J'y ai beaucoup d'amis proches, notamment à Viareggio, une ville sur la côte. C’est un endroit où je vais souvent. J’adore aussi Venise et Rome, bien sûr, mais chaque ville italienne a son propre charme. J’ai eu la chance de visiter des endroits comme Bologne et Pise, et je reviens toujours avec beaucoup de plaisir. En dehors de l'Italie, Amsterdam est une autre de mes villes préférées. Je m'y amuse toujours. Et puis, il y a Vienne, en Autriche, et Copenhague, que j’adore également. Chaque ville en Europe a une atmosphère unique, et c’est ce qui rend les tournées ici si spéciales.
Est-ce que tu as eu l'occasion de profiter des journées de repos pour visiter ces villes ?
Les jours de repos deviennent plus rares, car il est coûteux de payer des hôtels pour tout le monde. Mais avec Whitesnake, à une époque, David aimait prendre soin de sa voix, donc on avait souvent des jours de repos. Aujourd’hui, c’est moins fréquent, mais dès que j’en ai l’occasion, j’adore découvrir de nouvelles villes et rencontrer des gens intéressants.
As-tu des projets de t’installer en Europe un jour ?
Je vais probablement déménager là-bas un jour. Il ne me reste que 15 ou 20 ans sur cette planète, alors je ferais mieux de m’y mettre ! L’Italie a une place spéciale dans mon cœur. Entre la culture, la nourriture, et les paysages, l’idée de m’y installer un jour est séduisante.
Retrouvez notre interview avec Reb sur Seven, le dernier album de Winger ICI
-
Le 11 octobre dernier, le club intimiste des Deux Ours à Modave a accueilli un concert exceptionnel du guitariste de blues Dom Martin, pour un moment de grâce pure en mode acoustique. [Texte et Photos Philippe Saintes]
L’artiste de Belfast a littéralement ébloui le public avec un set aussi technique qu’émotionnel. Mêlant habilement des morceaux de ses albums tels que Easy Way Out, Hell For You, ou encore Mercy, Dom Martin a démontré toute l’étendue de son talent même s’il nous a avoué après le show avoir appréhendé l’exercice délicat du « seul en scène ».
Au-delà de ses propres compositions, l’Irlandais a su rendre hommage aux légendes qui l’inspirent avec des interprétations magistrales de Banker's Blues de Rory Gallagher, Last Train de Ralph McTell, The Easy Blues de John Martyn, et Out On The Western Plain de Lead Belly. Sa virtuosité, particulièrement marquée par son jeu en fingerpicking, a captivé l’assistance.
Le concert n’a pas seulement été une démonstration technique impressionnante : l’humour de Dom et ses interactions chaleureuses avec les spectateurs ont également fait de cette soirée un moment de partage inoubliable. Le musicien, adoubé par Joe Bonamassa et digne héritier des géants comme Rory Gallagher, Gary Moore ou Pat McManus, a prouvé qu’il marchait solidement sur leurs traces.
À l’aise dans ce format « one man show », Dom martin a réussi à faire plaisir autant qu’il s’est fait plaisir, et son enthousiasme communicatif a conquis Modave. Véritable force tranquille, il a prouvé que le blues acoustique, entre virtuosité et émotions brutes, n'a jamais été aussi vivant.
-
Royalement Vôtre
La situation politique actuelle aux États-Unis, l'impact de la foi chrétienne sur les messages musicaux de Stryper et la création du nouvel album When We Were Kings, le leader de la formation californienne se livre sans garde-fou. [Un entretien royal réalisé avec Michael Sweet (guitare/chant) par Philippe Saintes - Photos : Alex Solca]
Les prochaines élections aux États-Unis promettent d'être chaotiques. La situation ne s'est pas beaucoup améliorée depuis notre dernière conversation. Le fossé se creuse et, pire encore, la tolérance à la violence politique augmente à la fois à droite et à gauche (cf. tentative d'assassinat de Donald Trump). Comment vois-tu l’avenir après les élections ?
J'ai l'impression que les citoyens en ont assez et se sentent trahis par nos politiciens et notre gouvernement. Même si je n'ai aucune envie de voir une telle situation se produire, je serais naïf de penser qu'une guerre civile est hors de question. Il est évident que notre pays est plus divisé que jamais. J'espère sincèrement que nous parviendrons à surmonter nos différends, à nous rassembler et à avancer en tant que nation unie.
« To Forgive The Unforgivable » est un message plein d'espoir dans l'une de vos chansons, mais n'est-ce pas utopique dans le monde d'aujourd'hui ?
En tant que chrétiens, nous sommes appelés à une mission essentielle : pardonner l'impardonnable. Dieu nous accorde son pardon, peu importe nos fautes, tant que nous nous repentons sincèrement. C'est une conviction profonde que je partage, tout comme le groupe. Le pardon, même dans les situations les plus difficiles, est au cœur de notre foi.
Avec « Trinity », vous avez une chanson qui a la puissance des classiques des années ‘80 comme « To Hell With The Devil » et « Soldiers Under Command ». Les compositions sont instantanément accrocheuses. Le groupe a-t-il pris naturellement la décision de puiser dans cette époque dorée du hard rock ?
C'est ce que j'ai fait en écrivant chaque chanson de l’album. Il était important pour moi de puiser dans l'ère classique tout en incorporant des touches modernes ici et là. Il y a un grand groupe de fans qui veut entendre ce style un peu plus pop. La ballade « Grateful » est proche de « Calling On You » de To Hell with the Devil. D’autres titres comme « Love Symphony », « Rhyme of Time », « Betrayed by Love » et « When We Were Kings » ramènent au son vintage de Stryper tout en s'intégrant d'une certaine manière en 2024 également.
As-tu écrit seul les paroles et la musique de cet album ? Oz, Robert et Perry ont-ils également apporté une contribution créative aux chansons ?
J'ai tout écrit moi-même. C'est souvent plus simple de procéder ainsi. Je m'isole dans mon studio et, en 2 ou 3 heures, la chanson prend forme. J'ai toujours été le principal compositeur du groupe, c'est ainsi depuis nos débuts.
When We Were Kings est plus fluide que The Final Battle, plus raffiné. Es-tu d'accord avec cette évaluation ?
Je pense que nous progressons à chaque album, notamment sur le plan de la production. Cette fois, nous avons expérimenté de nouvelles techniques d'enregistrement et de mixage, et le résultat est palpable. Je ressens clairement la différence, et à mon avis, c'est l'album le mieux produit depuis 2005. Avec l'ingénieur Danny Bernini, nous cherchons toujours à repousser les limites à chaque enregistrement. Je pense sincèrement que nous avons atteint cet objectif sur cet album. Quand je l'écoute sur différents systèmes, le rendu est excellent. L'égalisation est impeccable et tout me semble parfaitement équilibré."
La chanson « Grateful » est l'une de vos plus belles ballades. Partages-tu cette opinion ?
Je suis tout à fait d'accord. Il était important pour moi d'écrire une chanson qui rappelle ‘Calling On You’ de To Hell with the Devil. De nombreux fans apprécient ce style plus orienté pop, et je voulais vraiment leur offrir quelque chose qui s'en rapproche.
Quelles chansons de l'album pensez-vous inclure dans vos concerts live ?
Probablement des titres comme « End of Days », « When We Were Kings », et peut-être « Love Symphony » et « Betrayed by Love ». Mais rien n’est encore figé, on verra une fois la tournée commencée. Avec un catalogue aussi vaste, il est toujours difficile d’intégrer de nouvelles chansons au set. On fera de notre mieux.
Qui sont les invités ayant contribué à cet album ?
Il y a eu peu d'invités cette fois-ci. Charles Foley et Keith Pittman ont fait des chœurs, et Paul Macnamara a joué tous les claviers. À part ça, il y a eu moins de contributions extérieures par rapport à nos précédents albums.
La pochette de l'album est différente des précédentes sur le plan artistique. Est-ce encore une création de Stan Decker ?
Oui, Stan Decker a réalisé l'artwork. Il est extrêmement talentueux et nous adorons ses choix de couleurs. Il était essentiel pour nous de garder une continuité avec les thèmes visuels de nos autres albums qu'il a réalisés, et il a parfaitement répondu à cette attente. Nous sommes très satisfaits du résultat.
Peux-tu nous rappeler la genèse de l’album acoustique To Hell With The Amps? Est-il né pendant la pandémie ?
En fait, nous avons commencé à travailler sur cet album acoustique il y a presque sept ans. C'était un projet que nous voulions concrétiser depuis longtemps. Avec l’arrivée de Perry dans le groupe, nous avons voulu l’inclure, et finalement, nous avons pu le terminer et le sortir. Des copies physiques sont déjà disponibles : vinyle, CD, et même cassettes. Je ne suis pas certain du nombre exact imprimé ou de leur distribution, mais c’est un très bon album, et ceux qui recherchent un son différent du groupe doivent le découvrir.
“Nous sommes juste bénis de pouvoir encore faire ce que nous aimons. Peut-être que nous atteindrons les 50 ans en termes de célébration/anniversaire.”
Est-il important pour vous de conserver le contrôle de votre musique, en dehors de votre maison de disques ? Ou est-ce avant tout pour satisfaire vos fans ?
C'est crucial pour nous de garder le contrôle sur notre musique, car nous avons de grands projets pour l’avenir. Si quelqu'un d'autre détenait ce contrôle, nous ne pourrions pas réaliser nos ambitions. Nous voulons avoir la liberté de faire ce que nous voulons, quand nous le voulons. Donc oui, c'est très important.
When We Were Kings sera probablement disponible en vinyle, mais le prix des disques est aujourd’hui exorbitant comparé aux CDs. Penses-tu que les labels abusent, surtout dans le contexte de l'inflation ?
Malheureusement, c’est là où nous en sommes aujourd'hui. Tout a augmenté, que ce soit les billets d'avion, le carburant ou la nourriture. L’inflation affecte tout, et le coût de la vie est très élevé. J'espère que les prix finiront par baisser, permettant aux gens d’accéder plus facilement à des produits comme le vinyle.
Stryper fête ses 40 ans de carrière. Quels sont les prochains projets musicaux du groupe ?
Nous sommes juste bénis de pouvoir encore faire ce que nous aimons. Peut-être que nous atteindrons les 50 ans en termes de célébration/anniversaire. Nous verrons. Le groupe travaille actuellement sur un documentaire et, bien sûr, le nouvel album sort le 13 septembre. Une tournée suivra. Ensuite, j'ai quelques projets personnels sur lesquels je vais travailler et que j'espère sortir l'année prochaine.
Vous êtes absents des principaux festivals européens de l'été. Stryper fait-il encore face à l'ostracisme de certains promoteurs en raison de son étiquette ‘heavy metal chrétien’ ?
Sans aucun doute. Il est très difficile pour nous de trouver un moyen de revenir en Europe. Soit c'est trop coûteux, soit personne ne nous veut. La censure a pris une nouvelle forme, et elle est plus présente que jamais. Il y a tant de choses qu’on ne peut plus dire, tant de mots bannis. Des contenus sont supprimés ou effacés. Le monde dans lequel nous vivons est rempli de doubles standards et d'hypocrisie. Nous avons bien entendu hâte de voir nos fans européens. Ce sera un moment spécial mais tu peux l’écrire il arrivera bientôt.
STRYPER – WHEN WE WERE KINGS
Hard Rock
Frontiers Records
ans la foulée d’un album en acoustique (To Hell With The Amps ), When We Were Kings marque un retour aux sources pour Stryper, avec un heavy metal accrocheur qui ravira les fans de la première heure. La plupart des titres témoignent de la capacité du groupe à intégrer des éléments classiques tout en restant résolument contemporains. On soulignera aussi la production sonique de Michael Sweet et de son complice Michael Bernini. « Nous avons essayé différentes techniques en matière d'enregistrement et de mixage cette fois-ci, et cela a vraiment payé. Tout est très bien équilibré. » Avec cet opus, le quatuor américain montre qu'il continue d'avancer sans renier son passé, consolidant ainsi sa place dans le panthéon du heavy metal, n’en déplaise aux iconoclastes qui dénigrent le rock de Stryper pour son engagement audacieux à l’ère du politiquement correct. [Philippe Saintes]
Une interview à retrouver dans : Metal Obs' Septembre-Décembre 2024
-
Alcatraz 2024
L’Enfer belge déchaîné
En quelques années, Alcatraz a considérablement enrichi son affiche et, à voir la foule impressionnante, l'organisation semble avoir trouvé la formule gagnante. Mais les groupes ont-ils vraiment répondu aux attentes ? Voici nos coups de cœur du week-end belge. Texte : Philippe Saintes et Sante Broccolo. Photos : Sante Broccolo.
10 août
Finntroll : trop bas dans l’affiche
Sous une chaleur écrasante, les Finlandais de Finntroll débarquent sur la scène principale. Pendant que tout le monde rêve de sieste, eux mettent le feu aux poudres, et les moshpits s'enflamment. Leur musique crée une ambiance de folie, et le groupe, débordant d’enthousiasme, aurait mérité une place plus tardive dans le programme.
Fleshgod Apocalypse : Le lyrique s’invite
Les Italiens de Fleshgod Apocalypse, adeptes du Death Metal classique, sont la surprise du jour. Avec une chanteuse à la stature royale et des musiciens investis, ce groupe offre un spectacle visuel et musical de haute volée. Une véritable révélation !
Marduk : salutations de Satan
Avant que Watain et Mayhem ne reprennent leurs spectacles de Wacken, Marduk, les seigneurs suédois du Black Metal, nous en mettent plein les oreilles avec 13 morceaux tirés de leur impressionnante discographie. C'est une rétrospective digne des enfers, où chaque riff et chaque blastbeat semblent avoir été concoctés directement dans le chaudron de Satan. Le public est en transe, et on peut presque entendre Lucifer applaudir depuis les profondeurs. Une prestation magistrale qui scelle le caractère infernal du festival avec brio !
Lord of the Lost : la tornade
Les Allemands de Lord of the Lost font un carton à Alcatraz, bien plus qu'à l'Eurovision. Leur performance est une tornade d’énergie : le chanteur fait des cabrioles, les guitares rugissent, et le public est complètement conquis. Un sert clôturé en beauté avec « Blood & Glitter ».
Europe : une musique qui donne des ailes
Les vétérans suédois d'Europe célèbrent 40 ans de carrière avec une énergie digne d’un ado sous Red Bull. Pour leur première tête d'affiche dans un grand festival belge, Joey Tempest plaisante : « Cela fait 40 ans que nous répétons pour ça ! ». Le résultat ? 20 000 metalheads ravis et des cordes vocales en feu.
Satyricon : une apothéose noire
La journée se clôture avec une explosion de noirceur et de puissance grâce à Satyricon. Le groupe norvégien de Black Metal, fidèle à lui-même, fait rugir la scène avec une série de 12 morceaux choisis dans son répertoire emblématique. Les guitares déchaînées et la rythmique implacable créent une atmosphère aussi intense que le soleil couchant sur Courtrai. C’est une véritable montée en puissance qui transforme le final du festival en un rituel cathartique pour les amateurs de métal. Avec Satyricon, la nuit se termine sur une note aussi majestueuse que furieuse, et l'on quitte le site avec l’impression d’avoir assisté à une cérémonie digne des grands rites métalliques. Un moment inoubliable !
11 août
Armored Saint : costaud
Le troisième jour débute fort avec Armored Saint. Les Californiens livrent un hard rock solide et direct, contrastant avec la soirée précédente. C’est brut, efficace, et le public est enthousiaste.
Jinjer : rien de neuf sous le soleil
Tatiana Schmayluk, en habit rouge éclatant, fait une entrée remarquée. Jinjer déverse son Groove Metal habituel : c’est efficace, mais pour ceux qui les ont déjà vus plusieurs fois, le show n’a pas beaucoup évolué.
Terrorizer : bon sang ne saurait mentir
Terrorizer, le groupe de Death Metal américain fondé par des ex-Morbid Angel, enflamme la tente avec son intense Metal. Ce n’est pas Morbid Angel, mais c’est solide et prometteur pour l’avenir. Nous avons hâte de les revoir en live !
Korpiklaani : réorientation payante
Korpiklaani surprend agréablement avec une performance inspirée par le dernier album, Rankarumpu. Le retour aux sources avec des morceaux plus rapides a payé, et la popularité du groupe est palpable à travers la foule.
Dark Tranquillity : succès mérité
Les Suédois de Dark Tranquillity, sur leur terre natale, offrent un set de 12 morceaux, incluant trois titres du dernier album Endtime Signals. Leur maîtrise est totale, et le public apprécie à sa juste valeur.
Gene Simmons Band : humour et rock’n’roll
Gene Simmons a prouvé qu'il n'était pas là pour faire de la figuration. Entre les morceaux de Kiss (« I Love It Loud », « Deuce », « War Machine », Charisma », « Cold Gin »,…) un hommage au regretté Lemmy Kilmister (« Ace Of Spades »), une version brute de « House Of Pain » ( Van Halen) et des titres de son propre répertoire comme l’étonnant « Weapons Of Mass Destruction », Simmons (74 ans au compteur) a régalé la plaine avec sa musique mais aussi quelques vannes à l'attention du public local. Le bassiste à la langue bien pendue (marque de fabrique du personnage) a même transformé la scène en un speed-dating rock'n'roll, invitant quelques demoiselles à monter le rejoindre. Avec Brian Tichy qui a martelé sa batterie comme si sa vie en dépendait et Brent Woods envoyant du lourd à la guitare, ce show, à mi-chemin entre concert et stand-up, a été l’un des moments forts de cette 16è édition. Du pur rock'n'roll, sans fard de la part du…roi du make-up !
Opeth : clôture épique
Après un petit retard de 20 minutes dû à des caprices techniques, Opeth entre en scène pour offrir un final aussi grandiose qu'attendu. Maîtres dans l'art de la perfection, ils nous régalent avec un son impeccable et une performance irréprochable. Leur interprétation de Deliverance se prolonge, comme une déclaration d'amour au métal progressif. Certes, ce n’est peut-être pas le concert le plus brut du festival, mais c’est sans conteste un chef-d'œuvre d'excellence musicale qui termine le festival sur une note absolument mémorable. Un final qui nous rappelle pourquoi Opeth est une légende vivante dans le monde du métal !
Conclusion
Et voilà, Alcatraz 2024 est terminé ! Un festival où l'on a vécu plus de moments forts qu'un marathon de série télévisée. Des groupes ont mis le feu, d'autres ont jonglé avec la musique comme des acrobates, et quelques-uns ont même tenté de transformer la scène en soirée karaoké. Malgré quelques coups de soleil et une consommation record de bière, on ressort avec la certitude que l’année prochaine sera encore plus épique. Alors, chers organisateurs, préparez-vous : on revient l’an prochain, avec nos chapeaux de soleil et notre soif de musique insatiable. Alcatraz, tu es notre coup de cœur belge, et on ne pourrait pas t’aimer plus… sauf si tu nous offres plus de t-shirts gratuits l’année prochaine !
-
Band of Friends a fait revivre l'esprit du légendaire Rory Gallagher lors d'un concert solide au Zik Zak à Ittre. Un concert porté par des musiciens fidèles à l'héritage du regretté Rory. Retour sur cette soirée riche en émotions. [Texte : Philippe Saintes- photos : Sante Broccolo.]
Dès les premières notes, l’atmosphère du Zik Zak d’Ittre s’est immédiatement chargée d’une énergie électrique, transformant la salle en un véritable sanctuaire dédié au blues-rock. Band of Friends, le groupe hommage à Rory Gallagher, a enchaîné les grands classiques du légendaire guitariste irlandais, pour le plus grand bonheur des amateurs présents, malgré une audience relativement intime.
Les moments forts de la soirée ont été marqués par les reprises magistrales de Moonchild et Shadow Play, deux des titres les plus emblématiques du répertoire du natif de Ballyshannon. La setlist incluait également d'autres incontournables comme Tattoo’d Lady, A Million Miles Away et Bullfrog Blues, transportant le public dans un véritable voyage à travers l'œuvre intense et passionnée du maître du guitariste-chanteur.
Jim Kirkpatrick (FM) remplaçant exceptionnel de Davy Knowles sur cette tournée, s'est parfaitement imprégné de l’esprit des morceaux tout en y apportant sa propre touche de soliste. Son style distinctif s’est parfaitement marié aux mélodies classiques, capturant l’essence de Gallagher sans jamais tomber dans une simple imitation. Quant à Paul Rose, qui jouait ce soir-là sur une Stratocaster prêtée après que la sienne ait été bloquée à l'aéroport de Londres, il a tenté de faire revivre la légende de Rory. Cependant, malgré une performance techniquement solide, il a peiné à incarner pleinement le charisme scénique nécessaire, laissant une impression plus mitigée.
À l'inverse, Gerry McAvoy, fidèle compagnon de route de Rory pendant vingt ans, a fait preuve d’une présence scénique indéniable. Sa prestation à la basse, solide et énergique, a soutenu les envolées guitaristiques avec brio, rappelant son lien inébranlable avec l’artiste disparu. Enfin, Brendan O’Neill, toujours aussi sobre derrière sa batterie, a martelé ses fûts avec une efficacité implacable, égalant l’énergie de ses années aux côtés de Rory entre 1981 et 1991.
En conclusion, cette soirée a su raviver l’âme du rock-blues, avec un répertoire judicieusement choisi et des musiciens fidèles au patrimoine musicale de Rory Gallagher. Plus qu'un simple hommage musical, on a eu droit à une véritable réunion d'amis qui partagent un lien profond avec la musique du G-Man.
-
GRASPOP METAL MEETING
Live report @Dessel (B) juin 2024
Notre article sur le dernier Graspop Metal Meeting est en ligne sur le site de :
-
Au nom du père
Dom Martin est l’étoile montante de la scène blues nord-irlandaise. Pour sa capacité à capturer l'essence du blues tout en apportant une touche moderne, il a gagné une certaine notoriété. Son dernier album studio Buried In The Hail (Forty Below Records) a reçu des éloges des spécialistes pour son authenticité et sa profondeur émotionnelle. À travers cet article, nous explorerons l’histoire de ce jeune guitariste, sa relation avec son père, ses influences musicales et son parcours marqué par des défis personnels. [Reportage et photos : Philippe Saintes]
La quête de l'attention paternelle
Préparant son matériel avant le concert qu’il doit donner ce soir-là au Spirit of 66, petite salle de concert en Belgique, Dom Martin me gratifie d’une cordiale poignée de mains tout en lançant poliment le fameux "nice to meet you". Le guitariste-chanteur m’invite ensuite à l’accompagner dans la pièce aménagée pour les artistes. L’homme âgé de 33 ans a un regard mélancolique et un sourire bienveillant. Les Irlandais sont les personnes les plus sympathiques, dit-on. Je constate une nouvelle fois que ce n’est pas une légende (cf. les interviews de Pat McManus et Paul Mahon). Le contact passe bien durant l’interview qui débute avec une première question sur les origines de cette passion pour la guitare.
« Mon père avait toujours une guitare à la main. C'était son échappatoire. Et j'ai réalisé très jeune que ma seule façon de me rapprocher de lui était de m'intéresser à cet instrument. C’était une façon de l’atteindre. Alors je le suivais partout et il me montrait quelques accords et des conseils, et j'essayais simplement de jouer avec lui. Il aimait faire de la musique dans la rue, tu sais, pour quelques pintes. Il jouait dans les bars et les clubs mais aussi sur les marchés ou des endroits insolites. Il a été mon premier professeur. Il m'a emmené à un concert quand j'avais dix ans, c'était la seule fois où nous avons eu un billet. Il m'a emmené voir Ralph McTell au Waterfront à Belfast. C'était en 2000. C'est à cette période que j’ai réalisé à quel point mon père était doué car il pouvait interpréter les chansons de McTell avec un supplément d’âme. Il était bien meilleur que l’original », raconte avec émotion Dom.
La musique est son seul univers, son unique raison de vivre. Le blues n’est pas un long fleuve tranquille mais il l’accepte. « J'ai réalisé que j'avais perdu tout intérêt pour le reste. Je ne m’intéressais plus à l'école. Je n'avais aucune envie de devenir docteur ou avocat. Même le sport et le football se sont effacés au profit de la guitare. C’est devenu pour moi une évidence. La musique m'a permis de donner un sens à ma vie. »
Lorsque l’on évoque son style, cet adepte du fingerpicking et de la slide esquisse un sourire avant de répondre : « Mon manque de style, tu veux dire. C'est une très bonne question. Je me la pose souvent. Je ne suis pas vraiment sûr de ce que c'est. Je suppose que c'est définitivement une musique imprégnée de blues. J'ai grandi avec tant d'influences différentes grâce à mon père. Il adorait Django Reinhardt et Rory Gallagher mais aussi Led Zeppelin, Pink Floyd, Bob Dylan ou John Prine. Il avait une connaissance si diversifiée de la musique et il jouait toutes ces chansons. Grâce à lui, j'ai développé une sorte de mentalité de touche-à-tout. C'est un cocktail musical de tous les genres. Je n'ai aucune idée de ce que c'est, mais c'est définitivement imprégné de blues, plus axé sur le rock et le country blues que sur autre chose. Il y a aussi le jeu de la guitare acoustique qui est devenu une marque de fabrique. Ce n'est pas tout à fait expérimental, mais ce n'est pas standard non plus. »
En studio, en répétition, sur scène, Dom Martin laisse éclater d’extraordinaires moments de beauté. Des instants magiques qui ne peuvent être restitués sur commande. Son timbre de voix est également atypique. On trouve une certaine forme d’agressivité dans certaines de ses interprétations. « Parfois, oui. Ça dépend de mon énergie », admet-il. « J'ai suivi des cours de chant avec un super gars en Irlande, Cormac Neeson, le chanteur de The Answer. Il fait aussi du coaching vocal. J'ai pris quelques leçons avec lui et il m'a montré des techniques et des astuces pour mieux maîtriser ma voix. Je travaille pour devenir un meilleur chanteur, pour tous ceux qui veulent bien m’écouter. Je ne veux pas rester coincé dans une routine. Je veux continuer à évoluer musicalement et maintenir cette force vocale le plus longtemps possible. Grâce à l’aide de Cormac, les voix s'améliorent progressivement sur album et sur scène, j'en suis conscient. »
L’Influence de Rory Gallagher
Parmi les nombreuses influences musicales du jeune guitariste, Rory Gallagher occupe une place spéciale. Notre interlocuteur se rappelle de la cassette contenant des enregistrements de Rory, que son père lui a donnée. « Il m'a offert cette cassette audio quand j'avais environ cinq ou six ans. Il y avait Rory Gallagher Live in Europe en face A et Blueprint en face B. Cette cassette est devenue une source constante d’inspiration pour moi. Je l’ai écoutée quotidiennement jusqu'à ce qu'elle s'use complètement. Je l'ai encore, mais elle ne fonctionne plus. Je la garde juste comme un trophée. Alors oui, une grande partie de mon enfance a été baignée par les chansons de Rory. Je les écoute encore aujourd’hui. "Messin’ With the Kid" est la plage d’ouverture du Live In Europe. Je me souviens encore de la première fois que j'ai entendu ce titre, c'était il y a presque 30 ans, tu sais, et je m'en souviens encore très bien, mais j'écoute encore "Messin’ With the Kid" tous les jours. La puissance de ce morceau a influencé non seulement mon style musical mais aussi ma philosophie de vie. »
La musique comme thérapie
Pour l'artiste irlandais, la musique est plus qu'une carrière, c'est une thérapie. « C'est effectivement une force thérapeutique. Je pense que c’était aussi le cas pour Rory. Il a pris une certaine direction et refusé d’abdiquer face à la mode. Il a gardé une approche spontanée et authentique jusqu’au bout. Il détestait le statut de superstar du showbiz. Cette même conviction a guidé mon parcours face aux difficultés financières et aux aléas de la vie de musicien itinérant. »
Malgré son amour pour la guitare, le chemin de Dom n’a pas été sans obstacles. Il parle ouvertement de ses luttes personnelles, notamment avec l’alcool et les drogues. « J’ai perdu mon père suite à l’alcoolisme. J’ai moi aussi une personnalité addictive. Toutefois, je n'ai plus que deux vices dans ma vie, la nicotine et la caféine. Dans les moments les plus sombres de mon existence, je faisais passer les substances hasardeuses en premier, même avant la musique. Mon amour pour cet art a finalement pris le dessus. Je pense même que je serais mort sans cela. Honnêtement, si je n’avais pas abandonné les drogues et l’alcool, je me serais éteint il y a longtemps. Pour la première fois de ma vie, je suis heureux et j'essaie de tirer le meilleur parti de ça. C'est primordial de se sentir bien et de pouvoir partager des choses positives avec les gens. »
Des paroles sincères de la part d’un musicien qui reste hermétique au tourbillon artificiel du show business. Le regard qu’il porte sur le monde l’a mené à écrire ses propres textes, inspirés de ses expériences, de ses passions, mais aussi de ses angoisses. « La plupart des chansons viennent effectivement de mon expérience personnelle. Certaines s’inspirent d’anecdotes et de faits survenus durant mon existence. C’est vraiment du vécu. Sans cela, je n'aurais pas de répertoire car je ne peux pas inventer des histoires. Je n'ai pas assez d'imagination pour cela. »
Plus rien ne le fera dévier de la route qu’il s’est tracée. Jouer en live est une partie essentielle de l’identité de Dom qui souligne l'importance de se produire en direct et de partager sa musique avec le public. « Rien de ce que je fais n'est planifié, rien n'est figé. Je ne sais jamais exactement ce que je vais jouer et comment je vais le jouer. Je n'ai vraiment aucune idée de ce qui va sortir. » Cette approche directe et sincère reflète sa détermination à monter sur scène, une force qu’il a héritée de son père spirituel Rory Gallagher.
L’Irlande du Nord, terre de légendes
L'Irlande du Nord, terre de paysages envoûtants et de riches traditions culturelles, a également donné naissance à certains des plus grands noms de la guitare. De Gary Moore à Simon McBride (Deep Purple) en passant par Herbie Armstrong (Van Morrison), Henry McCullough (Wings), Eric Bell (Thin Lizzy), Pat McManus (Mama’s Boys), Vivian Campbell (Def Leppard), ou Paul Mahon (The Answer). Dom Martin, le plus jeune de cette lignée, continue de porter le flambeau de la guitare nord-irlandaise.
« Il y a beaucoup de grands guitaristes de blues ici. Le regretté Gary Moore, bien sûr, mais il y a aussi Eric Bell qui est toujours là. J’apprécie beaucoup le parcours de Simon McBride. Il a connu pas mal de galères au cours de sa carrière, mais aujourd’hui, il tourne dans le monde entier avec Deep Purple. Je n'ai jamais rencontré Simon, mais je suis fier de lui. C’est un exemple. Tous ceux que tu as cités possèdent une maîtrise, une technique sans faille, mais je ne pense pas qu'il y ait de la concurrence ou de mauvais sentiments envers qui que ce soit. C'est plus une question de respect et d’influences. »
« Pour la première fois de ma vie, je suis heureux et j'essaie de tirer le meilleur parti de ça. C'est primordial de se sentir bien et de pouvoir partager des choses positives avec les gens. »
Dom vit le blues. Il en est imprégné, il en possède l’esprit. Bien qu'il assume pleinement ses racines, notre artiste se sent marginalisé chez lui : « Je n'ai jamais été intégré à la scène musicale en Irlande du Nord. Pour te dire, je me suis rendu à Moscou il y a quelques années juste pour pouvoir payer mon loyer. Aussi incroyable que cela puisse paraître, je n’ai pas réussi à me produire à Belfast pendant de nombreuses années. Maintenant, je joue là-bas une ou deux fois par an, ce qui est plutôt agréable. J’ai notamment été invité par les organisateurs du festival de blues organisé fin juin. Cette musique pas forcément grand public, séduit un public plutôt âgé. La majorité des jeunes ne l’écoute pas en Irlande du Nord. Ils sont plutôt branchés rock et rap. Pour être honnête, je suis rarement sorti à Belfast. Donc je n’ai pas une vision objective de la vie nocturne là-bas. Tout ce que je peux dire, c'est que les concerts que j'ai faits ont essentiellement attiré de vieux connaisseurs et quelques curieux. »
Lorsqu'on lui demande combien de spectacles il réalise par an, la réponse témoigne d’une situation complexe : « L'année dernière, nous avons fait plus de 130 concerts. Donc, oui, pas tant que ça si on y pense. C'est environ la moitié de l'année, quelque chose comme ça. Ce n'est pas autant que je voudrais. Honnêtement, je ne gagne pas beaucoup d'argent en tant que musicien de blues. »
Selon plusieurs études, un artiste sur Spotify gagne en moyenne entre 0,003 et 0,005 dollars par écoute, une somme dérisoire. Les mutations du marché imposent aux artistes de se réinventer continuellement et de trouver de nouvelles façons de rentabiliser leur talent. Dom Martin ne veut toutefois pas se montrer fataliste : « Je ne peux pas vivre de la musique ni en tirer un revenu car je n’intéresse que quelques passionnés. Ce serait trop facile d'être négatif à ce sujet ou de me sentir frustré parce qu'il n'y a plus d'argent dans ce business et qu’il n’existe plus d’intérêt pour la production discographique. Mais encore une fois, revenons à Rory qui jouait avec le cœur et les tripes. Le public veut juste voir ça. »
Martin mesure l’abîme qui le sépare du succès. Il a connu des désillusions et subi des déceptions, mais il est résolu et déterminé à réussir sans compromettre sa musique. Il doit pour cela travailler sans relâche, apprendre, persévérer, progresser, repousser ses propres limites…
En tournée, il est entouré de musiciens fidèles avec qui il partage une profonde complicité : « Ben Graham joue de la basse. Il vient de Portrush, dans le comté d'Antrim, en Irlande du Nord. Et nous avons Aaron McLaughlin à la batterie. Il est originaire de Greencastle, sur la côte nord du comté de Donegal. C'est un bon gars. Ce sont tous les deux de très bons gars et ils contribuent à la cohésion du groupe. Le line-up actuel tourne depuis environ un an. J'espère continuer à jouer avec ces musiciens pendant très longtemps, mais c'est à eux de décider. »
Un quatrième album en préparation
Malade, Dom Martin a tenu à assurer son concert au Spirit of 66 à Verviers, en Belgique en mai dernier. Pour lui, il était impensable de ne pas monter sur scène et offrir le meilleur spectacle possible à ses fans. « Il aurait été facile de dire : Non, je ne peux pas jouer ce soir, désolé. Mais je ne suis pas ce genre de personne. Je ne peux pas faire ça. Je ne pourrais pas laisser tomber les gens. Je suis content que les gens assistent à mes concerts, même s’il n’y a que 40 individus dans la salle. C’est juste une question de respect. »
En dehors de la scène, Dom consacre beaucoup de temps à composer de nouvelles chansons. « Je suis au stade de l’écriture du prochain disque en ce moment. J'ai juste besoin d'un peu de temps et d'espace pour tout assembler. Le matériel est là, j'essaie juste de trouver des chansons taillées pour la scène afin de les jouer tous les soirs en tournée et renouveler mon répertoire. Il y a certaines chansons dont je suis vraiment fatigué. Pas qu'elles soient mauvaises, c'est juste qu'après les avoir jouées si longtemps, elles deviennent un peu fades à mon goût. Je pense à "Maxwell Shuffle". J’aime remodeler mes chansons, les remanier d’une manière plus brute sur scène. J'adore les trucs acoustiques comme "The Fall" dont tu entendras une version très différente ce soir. "Buried In The Hail", le titre éponyme du dernier album, est joué de façon moins sophistiquée : c’est juste trois mecs dans une salle qui font de la musique. Je veux me sentir plus libre, m’amuser et jouer en concert des chansons rapides et garder les morceaux plus calmes pour moi. Je compte écrire davantage des morceaux comme "Unhinged" ou "12 Gauge" qui sont de véritables hymnes, des titres taillés pour les salles de concert. »
Le voyage musical du sympathique Dom Martin est une histoire d’héritage, de passion et de résilience. Malgré les défis personnels, il continue de jouer avec son cœur, inspiré par la légende Rory Gallagher. Sa capacité à narrer de vrais récits à travers ses chansons et son énergie positive font de lui un artiste attachant.
-
PAT McMANUS & ERIC McFADDEN
HIT CORSICA AGAIN (Live 2023)
Bad Reputation
Pat McManus (Mama’s Boys) et Eric McFadden (George Clinton, Eric Burdon, Joe Strummer) alias les deux Big Mc’s, sont des habitués des Nuits de la guitare de Patrimonio. Après les jams enregistrées en 2019, le Professor et le Voodoo Gypsy se sont retrouvés en Corse l’été dernier pour un deuxième round. Les six-cordes vibrent dès l’intro de « Going Down » pour honorer la mémoire du regretté Jeff Beck. Le son puissant et musclé garde toute son intensité sur « Purple Haze », le classique de Jimi Hendrix. La voix rauque de McFadden porte haut l’entraînant « Goo Goo Muck » qui contient aussi une envolée généreuse du ‘violoniste’ McManus mêlée aux riffs électriques. L’Irlandais prouve une fois de plus son génie sur les blues intenses comme « A Night In The Life Of A Blue Singer » (Thin Lizzy) et « Parisienne Walkways » (Gary Moore). Le vibrant « Almost Cut My Hair » (Crosby, Stills, Nash & Young) est joué en version quasi-acoustique, avec une nouvelle interprétation généreuse de Pat au violon et un solo aux saveurs flamenco de son complice américain. Fabrice Trovato (batterie) et Pedro Misle (basse) sont au diapason et jouent avec sobriété lors de ce concert unique. Mais c’est bien la guitare qui est l’instrument vedette ici. McManus et McFadden ne se marchent jamais sur les pieds et prouvent une fois de plus leur aisance en live. Après une version énergique de « La Gange » (ZZ Top) l’album s’achève sur l’inévitable chef d’œuvre d’AC/DC « Highway To Hell » sur lequel les deux virtuoses se répondent, se complètent et se défient en entraînant la foule dans leur sillage. Au final un bon album qui brille autant par la joie de vivre qu’il dégage que par la qualité des musiciens. [Philippe Saintes]
-
Onde de choc
Un anniversaire, un nouvel album qui a déjà conquis les amateurs de rock A.O.R. et une tournée qui a démarré en Amérique du Sud, il fallait bien cela aux musiciens de FM forts éprouvés en 2023 par les problèmes de santé du claviériste Jem Davis et le décès de l’ancien guitariste/membre historique Chris Overland (67 ans). [Entretien avec Steve Overland, chant, guitare par Philippe Saintes – Photos : Paul Stewart Hollingsworth, Adrian Hextall et Roberto Villani]
Steve, 2023 a été une année particulièrement éprouvante pour toi et le groupe.
Ce fut terrible, Philippe. Nous étions en pleine préparation du nouvel album quand Jem s’est vu diagnostiquer un cancer de la gorge lors d’une visite de routine chez son médecin. Il n’a pourtant pas perdu sa bonne humeur, c’est un vrai superman. Deux mois plus tard il était déjà en rémission et il a pu nous accompagner sur la tournée d’été. Je suis rentré à la maison un dimanche et le lendemain (22 août) mon frère décédait d’un infarctus. Je me rappelle de la première chanson écrite ensemble, « Sunlight », imaginée avant même la formation de Wildlife et de FM. J’ai récemment interprété une version acoustique de ce titre lors d’une série de concerts intimistes en duo avec Jim Kirkpatrick. Chris était un guitariste à la fois technique et mélodique. Il a été influencé par des artistes comme Peter Green, Gary Moore et plus tard Neal Schon. Son souvenir restera toujours présent, pour continuer à avancer malgré notre chagrin.
Comment s’est déroulée la toute première et récente tournée en Amérique du Sud ?
Je n’ai qu’un seul mot : grandiose ! Le public nous a réservé un accueil chaleureux et l’ambiance était excellente. On a pu vivre cette expérience grâce à l’obstination d’un tourneur brésilien qui tenait absolument à ce que l’on vienne jouer là-bas. Honnêtement, on n’avait aucune idée de la popularité de FM en Amérique du Sud. Des fans nous attendaient à l’aéroport pour faire signer des albums et des guitares. Tous les concerts se sont déroulés à guichets fermés avec chaque fois un public survolté. C’est un moment particulier dans notre carrière. Cette tournée m’a fait aussi réaliser qu’il reste encore de nombreux endroits où j’aimerais jouer.
Peux-tu nous parler de l’importance de votre premier album, Indiscreet 40 ans après sa sortie.
C’est simplement un album à part dans notre discographie. On avait signé un gros contrat avec le label CBS et on nous considérait à l’époque comme le Bon Jovi britannique (sourire). FM n’a pas obtenu le même statut mais les planètes étaient alignées à cette période. Indiscreet est devenu un album culte dans de nombreux pays. On y trouve d’excellents titres qui ont passé l'épreuve du temps. Les gens veulent toujours entendre ces anciennes chansons. Lorsque j’ai composé la ballade « Frozen Heart » avec Chris, on a tout de suite eu le sentiment, l’intuition que cela allait fonctionner. Nos deux premiers disques, Indiscreet et Tough It Out renvoient à une période de nos vies qui nous a profondément marqués.
Le titre du nouvel opus Old Habits Die Hard (« les vieilles habitudes ont la vie dure ») fait justement référence à cette longévité.
Absolument. On est une bande de vieux résistants (rires) comme en témoigne la pochette de l’album (un squelette avec un sombrero et une guitare). Dans les années ’90 avec l’émergence du grunge, les radios et la presse spécialisée ne voulaient plus de nous. On a donc décidé de faire une pause, peut-être a-t-elle été trop longue mais lorsque le rock mélodique est redevenu à la mode on a repris la route. Le line-up actuel a déjà 15 ans. Jem en est à sa 23è année chez nous. Le fait que l'on s'entende si bien tous ensemble est notre force. Nous avons eu une carrière incroyable et je suis fier de notre parcours. Nous avons toujours la même passion et la même énergie qu’il y a 40 ans. C’est ça qui est génial. Les gros refrains et les harmonies donnent la texture à notre musique et c’est ce que les fans attendent de nous. On retrouve ces fondations sur Old Habits Die Hard. Réaliser de nouveaux albums est vraiment l’élément principal qui fait durer FM dans le temps. Le 15è est déjà en chantier.
Que penses-tu de l’utilisation de l’intelligence artificielle dans la musique, notamment sur la chanson « Now And Then » des Beatles ?
Je trouve ça génial ce qu’ils ont fait avec la vidéo. C’est triste mais il n’y a plus que deux membres en vie alors avoir pu recréer le son si caractéristique des Beatles est vraiment un tour de force. On a l’impressions qu’ils sont encore tous là. C’est la même chose pour la chanson « Face It Alone » de Queen avec la voix de Freddy Mercury. Je pense que l’on ne doit pas imposer des règles sur ce qui est possible de réaliser grâce aux nouvelles technologies. Il y a une part de nostalgie derrière ces projets mais les gens aiment cela car ils n’ont jamais cessé d’aimer ces groupes.
Plusieurs groupes continuent de se produire sans aucun membre d’origine (Foreigner, Lynyrd Skynyrd,…). Qu’en penses-tu ?
C’est une bonne chose car en fin de compte, c’est la musique qui est importante. Si le groupe arrête, alors il n’y plus de concert. Mick Jones (dernier membre fondateur) a recruté les membres qui composent aujourd’hui Foreigner. Kelly (Hansen) et Jeff (Pilson) sont formidables et le line-up actuel interprète les chansons à la perfection. Une fois de plus c’est une aubaine pour les fans de voir le groupe se produire sur scène en 2024. Si Mick a donné sa bénédiction, alors il y a une légitimité à continuer. On a ouvert pour Foreigner à plusieurs reprises et on a énormément de respect pour les musiciens actuels.
Quels souvenirs gardes-tu du premier concert de FM au célèbre Marquee Club de Londres en 1985 ?
C’était une petite salle mais on était très nerveux car des monstres sacrés comme les Rolling Stones, les Who ou Pink Floyd, avaient joué avant nous. Les gens faisaient la queue sur le trottoir en attendant l’ouverture des portes. L’ambiance était torride à l’intérieur. J’ai compris ce jour-là que le rock, c'était surtout une communion entre le public et les musiciens. Jouer dans un endroit mythique comme le Marquee devant une foule en liesse est un moment inoubliable vécu par la formation originelle.
« Nous avons toujours la même passion et la même énergie qu’il y a 40 ans. »
Vous avez aussi eu la chance d’ouvrier pour la seule et unique Tina Turner lors de la tournée Private Dancer.
Oui c’était juste après la tournée Bad Attitude avec Meat Loaf. On a eu beaucoup de chance. Bryan Adams ouvrait pour Tina mais en raison du succès de son album Reckless aux Etats-Unis (N°1), il a quitté la tournée européenne. On nous a alors proposés d’assurer quelques dates. On a joué dans des stades remplis et la courbe d’apprentissage a été rapide en compagnie d’une telle légende. Tina Turner était entourée de musiciens exceptionnels. On a vraiment été verni d’ouvrir par la suite pour Bon Jovi, Santana, Gary Moore à trois reprises, Journey, Whitesnake, Kiss ou Def Leppard. Nous avons eu des affinités humaines et musicales avec chacun de ces icônes du rock.
Tu as sorti ton 6è album solo l’année passée, Sixth avec l’aide de Robert Sahl (Work of Heart). On peut parler d’une collaboration fructueuse.
J’avais déjà travaillé avec Rob sur l’album Groundbreaker sorti chez Frontiers il y a deux ans. Il s’est énormément investi et a donné de sa personne à 100% sur Sixth. Tu te sens tout petit à ses côtés car c’est un musicien et un auteur-compositeur de classe mondiale. Je voulais faire un album dans le style de Toto à la fois commerciale, mélodique et techniquement orienté rock, et la première personne à qui j’ai pensé pour m’aider, c’était Robert. Il a directement composé quelques chansons qui correspondaient exactement à ce que je voulais. Notre volonté est de continuer à travailler ensemble car nous avons développé une relation fusionnelle et amicale intense.
Outre le prochain FM, as-tu d’autres sorties prévues dans les prochains mois ?
Le troisième album de Lonerider est terminé. On retrouve le même line-up, Chris Childs (Thunder) à la basse, mon compère Steve Morris (Gillan, Shawdowman) aux guitares, Simon Kirke (Free, Bad Company, Wildlife) à la batterie et moi au chant.
FM
OLD HABITS DIE HARD
Frontiers Records
La première plage “Out of The Blue” est un titre old school façon Toto ou Foreigner qui a tout pour satisfaire les fans de la première heure. “Don’t Need Another Heartache” est un rock au refrain contagieux. “Whatever It Takes” et “No Easy Way Out” sont deux chansons parfaitement calibrées qui oscillent entre nostalgie et innovation. On trouve des titres plus musclés comme “Lost,” “Another Day in My World,” et “Leap of Faith ” qui contiennent des refrains hyper efficaces et des riffs en béton armé. “Cut Me Loose” et “California” apportent une touche plus pop tandis que “Blue Sky Mind” est un titre autobiographique de Jem Davis évoquant son combat contre le cancer. Enfin, “Black Water”, morceau bluesy sublimé par un solo sophistiqué et mélodique de Jim Kirkpatrick, vient clôturer en beauté le travail du quintet. Old Habits Die Hard est un album de hard…FM bien exécuté mais un peu trop prévisible. [Philippe Saintes]
Suivre le flux RSS des articles
Suivre le flux RSS des commentaires